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Shell Shock ou comment porter la guerre sur la scène

L'œuvre inclassable créée à la Monnaie tombe à pic le moment de la commémoration de la Première Guerre mondiale. À la fois un opéra, un oratorio, un art-vidéo et une œuvre chorégraphique, Shell Shock se déploie sur tous les registres.

Le projet portait d'abord à une composition de cantos et de la musique. Il s'agit donc de cantos, et non de paroles, ce qui se rapproche d'une dimension religieuse, de quelque chose de sacré. Ici cela concerne le respect pour le vécu du soldat, de l'infirmière, du survivant, des disparus, de la mère, et des orphelins. Chacun des 12 cantos raconte une situation et des sentiments liés à l'atrocité de la guerre, dans un langage de tous les jours, parfois avec des mots vulgaires comme « connard » et « fuck » pour accentuer la colère ou l'indignation. Certains mots et phrases se répètent obstinément, comme pour hanter l'esprit du personnage. La musique de reprend cette idée de répétition : « Shell Shock est un opéra en ce qu'il traduit des textes dramatiques, chapeautés par une même thématique, en une langue musicale dont des motifs sont récurrents. » Elle est dans l'ensemble assez plate ou même monotone, qui n'est ni tonale ni atonale, et se déroulent à l'intérieur d'une tessiture assez restreinte. Des phrases musicales gravitent souvent autour d'une note ou d'un intervalle, de secondes ou de tierces, majeures ou mineures, renforçant la sensation de statisme.

C'est après l'achèvement de ces deux éléments que le propos scénique entre en jeu. devait donc travailler dans un cadre bien défini, sans pouvoir participer à la création de la partie musicale, ce qui a été finalement une exigence artistique stimulante pour lui. « La Première Guerre mondiale a obligé les soldats à changer de posture, un combat vertical jusqu'alors devient horizontal, pour contrer les armes et les obus », raconte-t-il. Il a donc positionné des corps par terre ou bougeant sur d'autres corps, comme un soldat avance sur les cadavres de ses camarades.

Les costumes sont plutôt d'un style de la fin du XIXe siècle, avec des uniformes de couleur parfois vive, à boutons dorés et à galons (soldat colonial apparaîssant dans le premier canto), et des jupes jusqu'aux pieds pour les femmes. Mais ceux des enfants orphelins, à la fin de la pièce, rappellent notre temps, suggérant une nouvelle époque. Le décor principal est constitué d'un panneau blanc à trois niveaux qui se déroulent et se replient verticalement. Sur ce décor sont projetées des images de soldats : dans le « Canto du survivant » notamment, les figures de soldats se désintègrent progressivement pour devenir des ombres ou des cendres…

En plaçant le chœur dans les loges royales tout au début du spectacle, les auteurs affirment que l'œuvre est spatiale : c'est un voyage pour remonter le temps, un voyage atemporel.

Crédit photographique : Filip van Roe © Reporters

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