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Novecento, pianiste infiniment libre dans l’espace de 88 touches

Novecento, bébé trouvé dans une boîte en carton sur le piano dans la salle de bal d'un paquebot transatlantique, est dans les années 1920 un jeune pianiste qui n'a jamais mis pied sur la terre ferme. L'histoire de ce musicien singulier est racontée par un autre personnage, le trompettiste de l'Atlantic Jazz Band, engagé sur le même bateau pour animer les soirées à bord.

Novecento. Un monologo. Tel est le titre du texte originel d', écrivain et musicologue italien, paru en 1994. Un texte écrit pour un comédien et représenté lors d'un festival d'été transalpin. En France, il est surtout connu comme étant un roman, ou plutôt une nouvelle, de moins de 100 pages. Le ton est populaire, avec de nombreuses répétitions propres à la langue parlée. La présente adaptation scénique profite de ce ton pour introduire des jeux de mots en français, pour lesquels l'auteur a donné carte blanche. « Ce paquebot qui n'est pas que beau ! » ; « [Novecento montrait] que la vie est belle, clavier bel »… dit délicieusement , sans craindre de se répéter si la réaction du public n'est pas suffisante.

Novecento. Les membres d'équipage du Virginian ont donné ce nom au bébé trouvé, parce qu'il est né avec le nouveau siècle. Il devient « le plus grand pianiste du monde », en écoutant et en assimilant complètement toutes sortes de musiques, anciennes et nouvelles, de Bach à Debussy, mais aussi du jazz qui vient de naître aux Etats-Unis. Et il improvise merveilleusement. Il n'a pas de « cloison étanche » comme dit le comédien dans une interview ; il écoute « les musiques des troisièmes classes, les ritournelles espagnoles des migrants, celles très sophistiquées des premières classes […] Il incarne cette liberté du créateur qui s'est affranchi en autodidacte des codes, du consensus. » Le spectacle met donc la musique naturellement en avant et la traite comme un personnage à part entière : outre la présence d'un groupe de vrais musiciens, doués et talentueux – nous saluons particulièrement le pianiste et le trompettiste – on entend également des musiques enregistrées, diffusées de manière efficace par rapport à la mise en scène. Les frontières entre ces enregistrements et les morceaux joués par les artistes, légèrement sonorisés, sont parfois si ingénieusement effacées qu'on ne sait plus où s'arrête l'enregistrement et où commence l'interprétation réelle, et vice-versa. Et ce, parfois accompagnés d'un effet d'ombre chinoise très cinématographique, ajoutant une touche de modernité à la façon des années vingt.

Novecento, qui n'a vécu que sur l'Océan, tente un jour de franchir le pas, dans le port de New York. En descendant quelques marches de passerelle, il se rend soudain compte que la terre est trop grande pour lui, tandis que sur le piano, il peut être lui-même en l'espace de 88 touches. Alors, il revient sur sa décision, et restera à jamais sur son bateau. À mesure qu'elle progresse, cette histoire de 90 minutes, un conte merveilleux en somme, nous invite à réfléchir sur l'infinité de la musique, exprimée plus que jamais dans un cadre limité, quel que soit l'instrument.

Crédit photographique © Christian Ganet

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