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Kát’a Kabanová à travers l’orage

Éclats somptueux de l'orchestre et cruauté des personnages, fulgurance de l'action et sensation d'un destin en marche, pression sociale et très vif sentiment du péché chez l'héroïne Kát'a Kabanová, telles sont les impressions que donne, à l'Auditorium de Dijon, cette soirée tchèque aux forts accents tchekhoviens.

Le chef d'orchestre tchéco-norvégien tire de cet orchestre des sonorités remarquablement efficaces pour faire comprendre le sens du texte, il accentue le style quasiment cinématographique de ce commentaire musical ; collant au plus près au livret, le son de l'orchestre peut être transparent chez les cordes durant les scènes lyriques, terrible et agressif pendant l'orage, ironiquement populaire pour peindre l'arrivée de Dikoj, ou agreste avec les bois pour évoquer souvent la nature. Il obtient alors ce tableau coloré qui est si particulier au génie de Janáček. En outre, la nervosité de l'écriture est respectée par la rapidité réactive de l'ensemble orchestral tchèque, qui semble vraiment dans son élément.

L'action resserrée de l'opéra Kát'a Kabanová est assez bien servie par le tempo général donné par la mise en scène, même si on observe un petit temps mort durant la scène entre Kát'a et Varvara au premier acte : peut-être cela tient-il au jeu un peu artificiel de Varvara, qui semble mal à l'aise avec sa chevelure ? En revanche, le crescendo opère bien à partir de l'orage : la grande scène de la mort de Kát'a et la fin sont rondement menées.

Le parti pris du clair-obscur exploité durant tout l'opéra semble justifié par le sujet oppressant, de même que le dépouillement du décor durant tout l'acte III. La datcha des Kabanov est très joliment construite, avec cette verrière qui laisse entrevoir un extérieur arboré mais aussi propice à la surveillance des villageois. En revanche, le symbole de l'enfermement donné par les arbres au bord de la Volga est sans doute un peu appuyé…, mais efficace aussi.

Les costumes qui situent l'action dans les années cinquante sont, volontairement on l'imagine, tristes à pleurer par leur banalité : ils nous disent clairement que cette histoire en apparence ordinaire nous concerne encore aujourd'hui, car la société et les hiérarchies familiales savent être toujours coercitives. Seule Varvara est habillée de vêtements clairs : elle saura prendre le large de ce milieu étouffant.

On ne peut faire, sans détours, que des compliments à Katia Starke pour son rôle de composition de l'horrible belle-mère : que ce soit en mère abusive, en tyran du foyer ou en « maîtresse », elle habite tous les rôles d'une voix sans défauts. Dans la catégorie « méchants »,  est lui aussi très convaincant. Le couple et  sait introduire de la fraîcheur et de la raison dans cette atmosphère étouffante. La performance d'Alexey Kosarev est peut-être un peu timide. Quant à , elle possède, de toute évidence, une voix puissante et bien timbrée, dont elle sait se servir avec expression dans l'acte III. Pourtant, elle gagnerait à varier son jeu vocal pour mieux faire comprendre les diverses faces de la personnalité du rôle titre. Tantôt accablée, tantôt naïve, tantôt nostalgique ou sensuelle, toujours très religieuse, la malheureuse Kát'a gagnerait ainsi en épaisseur.

Crédits photographiques : © Opéra de Dijon/Gilles Abegg

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