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Rafael Payare, du sang neuf avec le Philharmonique de Vienne

Ce concert du Philharmonique de Vienne qui était prévu avec s'est transformé, après la disparition brutale du chef américain il y a quelques mois, en un « Hommage à  », avec un programme fait pour lui mais une toute jeune baguette pour prendre la relève.

Peut-être faut-il commencer à parler de filière vénézuélienne, non pour évoquer un quelconque trafic de substances illicites, mais l'émergence, dans le sillage de Gustavo Dudamel, de talentueux musiciens, en l'occurrence le chef qui commença cor solo du Simon Bolivar Orchestra, avant d'embrasser la carrière de chef avec un prix au concours Malko 2012. Repéré par qui l'invita dans son propre festival, le voilà donc, à trente-quatre ans, à la tête d'une des plus prestigieuses phalanges qui soit.

Longiligne, mince comme un fil, aux mouvements amples et élastiques dignes d'un personnage de dessin animé, il ne ménage pas ses efforts pour entrainer l'orchestre dans son sillage. Si sa mobilité corporelle rappelle, en moins furieusement énergétique, le jeune Solti, sa tenue de baguette et son expression de bras héritent clairement de Claudio Abbado, un peu à l'instar de Gustavo Dudamel d'ailleurs. Ainsi nous a-t-il semblé, du moins vu de dos, qu'il maîtrisait parfaitement sa technique, la façon dont l'orchestre le suivit comme un seul homme en montra l'efficacité.

Son style ou sa personnalité musicale est plus difficile à cerner, du moins à l'écoute de la Symphonie inachevée de Schubert tranquillement menée avec ses tempos classiques, mais une certaine neutralité de ton. On n'y sentit point d'inexorable force sous-jacente, la densité de ton et même de son et surtout la pulsation qu'avait su y mettre Philippe Jordan dans son récent concert avec les Wiener Symphoniker, étaient absentes ce soir. Cette neutralité se retrouva dans l'équilibre chant contre-chant du deuxième mouvement trop banalement à l'avantage du premier et conduisit à des fins de mouvement sans suspens ni émotion.

Avec la Symphonie n°4 de Tchaïkovski on sentit ce jeune chef nettement plus inspiré, plus naturellement emporté par les élans dramatiques de cette spectaculaire partition. Plus tournée vers l'énergie et l'allant qu'essayant de faire ressentir la profondeur dramatique de l'œuvre, son interprétation réussissait remarquablement à en faire percevoir l'urgence avec de magnifiques accélérations ou des galops irrésistibles, alors que les moments d'émotion furent, comme avec Schubert, trop neutres. Incontestable moment culminant, la fin du premier mouvement souleva des « Ouah ! » d'admiration du public et même quelques applaudissements non réfrénés. On l'aura compris, l'Allegro con fuoco final fut énergiquement  mené, même si on nota juste une légère et brève confusion dans l'ultime retour de la fanfare. Si l'inexorable poids du fatum qui caractérise cette symphonie parfois nommée « du destin » ne nous tomba pas sur les épaules à l'écoute de cette interprétation, pas plus qu'on ne sentit l'âme russe traverser la salle, la qualité d'engagement du chef et de ses instrumentistes fit plaisir à entendre.

Crédit photographique :   © Luis Cobelo

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