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Isabelle Oehmichen enflamme Grieg à Aix-les-Bains

Une pianiste subtile et un orchestre enthousiaste émeuvent dans le Concerto de Grieg.

Dehors, le gris du dernier soir neigeux de janvier 2015. Dedans, comme une crème au creux des pâtisseries rouge et or de la belle salle à l'italienne du théâtre du Casino d'Aix les Bains, l'énergie vibratoire de musiciens engagés. Les Musiciens des Marais, sous la houlette de se préparent à l'envol.

Le concert commence tranquillement avec deux petites pièces. « Les Hébrides » de Mendelssohn sonnent comme une houle portée par la voix ample et souple de l'orchestre. Puis, Le « Soir d'été » extrait du Poème de la forêt de Roussel, mélancolique et mystérieux.

Le charme s'interrompt avec la troisième œuvre, symphonie concertante avec piano, une création du compositeur . Après une ouverture qui semble inspirée de celle du concerto de Grieg, la musique fait du surplace et le public s'ennuie au fil des treize tons déclinés en une mélancolique répétition de notes qui ne se rejoignent jamais en accords. Éparpillée sur le piano, la mélodieuse vacuité du propos promène des thèmes de ci, de là sur le clavier. Souvent couvert par les cuivres, le piano se fond dans l'orchestre. Ce n'est qu'au troisième mouvement, plus concertant, que surnagent enfin de belles harmonies inspirées du folklore gallois.

Lyrisme et passion

Après l'entracte, immédiatement, quelque chose vibre, l'orchestre frémit. Le public retient son souffle. La pianiste apparaît, épaules nues, visage clair. Dès le premier accord plaqué sur le roulement léger de la timbale, on sent la concentration de tous les interprètes. Le premier thème pose le décor. L'orchestre crépite gaiement comme un feu qui prend, et la danse commence sur le rythme de la halling, une danse norvégienne.

Un ange passe et plane tout au long de l'œuvre. Il caresse nos âmes et nos cœurs. Rarement on aura entendu une telle liberté, une telle complicité entre soliste et orchestre. Le piano répond, développe et amplifie la vague, suivi du grand bercement des cordes et de la réponse des vents… Bravoure et virtuosité, expression, romantisme, nous donne tout dans le feu d'artifice de la fin du mouvement !

Début suspendu, parfaite continuité des thèmes, puis émerge la voix du cor qui laisse la place au violoncelle, à la clarinette, reprend la parole et alors seulement avec une infinie douceur le piano commence. Dans ce 2ème mouvement, Adagio, l'orchestre aussi se laisse aller à respirer à son rythme, se fait lyrique et s'installe dans une musicalité tranquille qui accueille le piano comme une branche souple reçoit l'oiseau.  Le piano chante, ou l'âme du poète. L'orchestre l'accompagne, comme pour une promenade, guidé par son chef sensible et attentif.

Le troisième mouvement reprend le rythme de la danse avec le rythme à trois temps de la springar hiératique. Les musiciens scandent la musique avec un romantisme plein d'émotion et une joie tranquille sans aucun excès de pathos, toujours au plus près des tempi du piano, avec une liberté de rythme qui porte l'émotion au plus fort. « Un orchestre amateur se donne différemment, se réjouit et partage autrement qu'un orchestre professionnel, » explique la soliste.

«J'ai écrit un concerto pour piano et orchestre, que je ne crois pas sans qualités, » écrivait Grieg à un ami en 1868, « Je devrais passer ces soirées d'automne à en écrire l'instrumentation.. » Grieg semble n'avoir jamais cessé, revisitant son Concerto au moins sept fois au cours de sa vie. Il y aura plus de 300 changements par rapport à l'orchestration originale. Il fait les derniers quelques semaines avant sa mort, et c'est cette version finale qui est jouée dans le monde entier.  La première représentation de son Concerto a eu lieu à Copenhague le 3 Avril, 1869 et le public danois applaudit à tout rompre, comme partout depuis, …et à Aix-les-Bains encore plus ce soir-là.

Crédit photographique :  Gormant et (c) Vincent Berczi

 

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