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Haendel à la Philharmonie de Paris, un véritable feu d’artifice sonore

Comment peut-on encore surprendre favorablement le public avec des pièces aussi jouées que les trois suites de la Water music ou que la Musique pour les feux d'artifice royaux ? , et les élèves des conservatoires venus en renfort relèvent le défi superbement.

La première explication de cette réussite réside dans un dispositif instrumental exceptionnel, visant à reconstituer un concert en plein air à la cour du roi d'Angleterre au XVIIIe siècle : 12 bassons et 2 contrebassons, 9 trompettes et autant de cors, 3 jeux de timbales, 24 hautbois, et un effectif de cordes digne d'un orchestre philharmonique. A-t-on besoin de flûtes à bec pour la troisième suite de la Water Music ? On transforme 12 hautboïstes en flûtistes qui jouent parfaitement à l'unisson (« seulement » 8 lorsqu'il s'agit de flûtes sopranes), là où on en trouve au maximum deux dans les interprétations habituelles. À cet effectif royal s'ajoute le choix de jouer sur des reconstitutions les plus fidèles possible d'instruments d'époque ; ainsi en particulier les cuivres, qui jouent dans un tempérament mésotonique inhabituel, n'ont aucune clé ni aucun trou, et toutes leurs notes sont articulées à la seule force des lèvres. Leur son est plus claquant, plus métallique, il a tendance à recouvrir celui des bois. Le son des bassons est un peu plus nasillard. Mais que tout cela est intéressant, et combien cette palette sonore a du relief !

La deuxième est un jeu d'une vivacité exemplaire, qui empêche tout alourdissement de la musique. Là où les interprétations habituelles insistent sur le côté tantôt solennel tantôt plaisamment coloré de ces partitions, y ajoute une vitesse et une énergie, qui certes confinent parfois à l'empressement (comme dans l'ouverture de la suite n°1 de la Water Music, rarement entendue si rapide). Les cors sont par moments un peu distancés, quelques couacs sont à déplorer. Mais il vaut mieux mille fois cela qu'un manque d'entrain, compte tenu de la masse en mouvement. Le jeu est d'ailleurs très loin d'être sans nuances, et surtout sans l'inventivité ornementale (y compris aux percussions !) inhérente à la musique baroque, mais qu'on a tendance à oublier quand il s'agit de « tubes » comme ceux-là.

Troisièmement, la grande salle de la Philharmonie offre les conditions nécessaires à un tel déploiement de moyens. Jamais le son ne paraît trop fort ou forcé. Les spectateurs profitent des effets de stéréo que permettent la taille du plateau et la disposition ingénieuse des cuivres (les cors d'un côté, les trompettes de l'autre) et, dans les Fireworks, des timbales (en triangle). Ainsi, on aura rarement entendu un prélude du Te Deum et son célébrissime thème aussi sonore et aussi précis à la fois.

En bon général, dirige sans baguette, à deux mains et à grands gestes énergiques, et même sans partition en première partie. Il arpente son piédestal de long en large, fait des mimiques en direction de l'orchestre et du public, et n'hésite pas à lancer l'ouverture des feux d'artifice alors qu'il est encore en marche vers sa place. On sent chez lui une réelle volonté de faire ressortir le côté hautement théâtral de la musique de Haendel, en même temps qu'un grand sens de la discipline, qu'il communique tous deux aux interprètes.

Les effets de lumières se limitent à des variations de couleur et d'intensité de l'éclairage zénithal porté sur les musiciens, et, pour illustrer les feux d'artifices, à une projection de points colorés par boule à facette (heureusement presque toujours immobile) sur le plafond. C'est bien la musique qui procure l'essentiel de la couleur et de la lumière.

Crédit photographique : © Éric Manas

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