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Arcadi Volodos dans Brahms à Berlin

Artiste en résidence à la Konzerthaus de Berlin, a fait honneur à cette salle et à son orchestre, en proposant un second Concerto de Brahms plutôt renversant, en compagnie de l'excellent

Contrairement au premier concerto de Brahms, l'opus 83 associe immédiatement l'orchestre et le pianiste : l'entrée cadencée de Volodos dès la deuxième mesure donne aussitôt le sentiment du génie. Il parle le langage des grands pianistes, déployant un son profond et un phrasé parfaitement équilibré. La maîtrise sereine des débuts laisse progressivement place à une agitation de plus en plus brusque. Effet sans doute d'une connaissance trop intime de l'œuvre, saturée par le par-cœur, Volodos se laissera parfois aller à la précipitation, sans toutefois altérer le sens de l'œuvre. Au point culminant du premier mouvement, il décoche avec superbe des rafales d'accords martelés avec une violence impérieuse. Luxe, flamme et majesté.

L'orage bat son plein dans l'Allegro appassionato qui suit. Parfaitement en phase avec , qui donne à son orchestre des teintes automnales, le piano de Volodos ne déchaîne pas une foudre blanche et meurtrière mais des éclairs d'or illuminant les plus belles pages de la partition, jusqu'à révéler ses traits les plus subtils et les plus secrets.

L'émotion de l'Andante tiendra à la longueur des phrases, étirées jusqu'à l'infini par Volodos, qui égrène doucement chaque note de ses arpèges, dans un langoureux duo avec le violoncelliste soliste. Rarement on aura aussi bien senti combien ce mouvement est en fait un autre « Double concerto ».
La résolution (Allegretto grazioso) est une conversation aussi aimable qu'enlevée. Si une énergie soudaine s'empare encore par accès du pianiste, Volodos soigne à merveille les transitions permettant de revenir à un babillage plus détendu et optimiste. C'est finalement de manière solaire qu'il conclut l'œuvre, à l'unisson d'un survolté. Volodos offre encore un moment de grâce et de délassement, en revenant pour un très bel Intermezzo de Brahms (op. 118 n°6), dont il souligne avec un art exemplaire de la narration l'accent de doute, d'espoir puis de résignation.

Inévitablement, la Symphonie n°2 (op. 73) de Brahms paraît un peu fade après ce torrent d'émotions. Composée en un été dans les Alpes autrichiennes, elle a un côté pastoral que le met volontiers en avant, ce qui n'est pas pour déplaire. Les cors sont à mentionner, résonnant comme l'écho du chant de la vallée. Toujours aussi brillant, Iván Fischer tire de son orchestre un son séduisant, pas trop boisé, laissant place à une vraie variété de couleurs. Cette richesse d'expression est mise au service des harmonies, d'une force tellurique, assez beethovéniennes, qui sont ainsi soulignées avec éloquence.

Mais hélas, le temps passe bien lentement (la reprise de l'exposition dans le premier mouvement était-elle bien nécessaire ?) et l'on s'ennuie quelque peu à l'ombre des monts de Carinthie. Finalement, on a le sentiment d'avoir assisté à une interprétation aussi irréprochable qu'inintéressante. La Coda de l'Adagio est certes parfaitement amenée, les pizzicati du troisième mouvement (Allegretto grazioso) ont beau être impeccables et le climax du Finale (Allegro con spirito) bien cerné, on ne parvient pas à s'enthousiasmer. Les musiciens auront pourtant fait preuve d'un bel engagement musical. Mais il suffit de presque rien – un choix de tempo un peu trop lent peut-être – pour que l'intensité reste une intention.

De cette soirée en demi-teinte, on préférera donc retenir la superbe première partie et garder en mémoire, s'il fallait retenir une seule image, les échanges de regard confiants et complices entre Iván Fischer et . Tout le Concerto était là : la musique parfois se passe du moindre son.

Crédit photographique : © Midiorama (Divulgação)

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