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Le quatuor Ebène en mode prudent

En programmant le , la série des Grands Interprètes de l'Auditorium de Lyon propose à son public une incursion dans l'univers de la musique de chambre.

Le n'est pas en bois vert. Depuis sa naissance en 1999, la formation est passée par toutes les étapes du cursus honorum chambriste, jusqu'à se produire aujourd'hui dans le monde entier. Une discographie abondante parachève l'impeccable parcours, et donne un aperçu de l'étendue des répertoires qu'aborde le quatuor : pas d'époque, pas de grand nom, pas même de genre auquel il n'ait choisi de se mesurer. Entre Haydn et l'impro jazz, Fauré et la musique de film, on ne sait où donner de la tête. Un jeune altiste a récemment succédé à l'un des quatre fondateurs ; mais bien loin de compromettre l'esprit et de l'homogénéité de l'ensemble, cette relève est un indice de vitalité et de pérennité.

À l'écoute, on ne tarde pas à mesurer l'ambition esthétique des Ébène : la perfection qu'ils cherchent à atteindre est d'abord une perfection du son. De quatre timbres, de quatre registres, il s'agit de ne faire qu'un seul. Quatre membres, si l'on peut dire – et un seul corps musical, qui prend vie, respire, s'anime, puis se défait. On l'imagine aisément : tout abouti qu'il soit, ce travail d'homogénéité, de contrôle du son, de rigueur dans les nuances, demande aux musiciens une attention de chaque seconde, trop d'attention peut-être.

Dans Dutilleux, certes, cela fonctionne à merveille. La minutie de la partition et le morcellement relatif du discours, plus prononcé ici que dans les autres œuvres du compositeur, invitent bel et bien au raffinement du détail. La succession des évocations nocturnes, quelque disparate qu'elle semble, n'entrave pas le travail de l'imagination. Scintillement d'étoiles, chant d'insectes, lueurs jaillissant de l'ombre : les figures musicales, exécutées avec goût, prennent d'elles-mêmes leur sens.

En revanche, ce qui convient si bien à la finesse spirituelle de Dutilleux surprend dans « L'Empereur », et plus encore chez Schubert. Dans le Quintette, tout en élans presque sauvages (en particulier dans la partie centrale de l'Adagio, ou dans le Scherzo), la prudence ressemble à de l'académisme, et la retenue, à de la langueur. Le spectateur se sent gagné par un engourdissement léger, qui n'a rien de désagréable, mais dont peu de chose subsiste, une fois que les sons ont cessé de flatter l'oreille. Peut-être une version moins lisse de l'œuvre, mais plus emportée, plus rugueuse, aurait insufflé à la fresque schubertienne l'âme qui lui a manqué.

Crédit photographique : Le © Warner Classics (Julien Mignot)

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