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Folies d’Espagne et européennes jubilatoires par Les Passions

Après sept enregistrements vocaux de haut vol, dont une Passion selon saint Matthieu plus qu'honorable et une trilogie Gilles de référence, le chef et flûtiste montalbanais revient à la musique instrumentale avec son orchestre .

Tube d'entre les tubes, plus que scie musicale, ces huit mesures entêtantes provenant d'une danse paysanne portugaise de la fin du Moyen-Âge, connaissent depuis cinq siècles un succès à faire pâlir d'envie tous nos auteurs de chansonnettes. Traversant l'Europe, ces Folies d'Espagne furent en quelque sorte à la base des fameux goûts réunis, chers aux musiciens du XVIIe siècle. Plébiscitées au XVIIIe siècle, on les retrouve au XIXe siècle avec les variations orchestrales de Salieri et la Rhapsodie espagnole de Liszt, puis au XXe avec les Variations sur un thème de Corelli op 45 de Rachmaninov. Et comme ce disque pétillant le démontre avec brio, elles inspirent toujours les compositeurs d'aujourd'hui. Et c'est en quelque sorte l'objet de ce disque pensé autour de la commande faite au compositeur toulousain de Folies pour le XXIe siècle.

Populaire et quasi universel, le thème entraînant des folies permet toutes les combinaisons et les fantaisies sur le mode ostinato. C'est dans un esprit de convivialité et de partage que les a transcrites pour son instrument avec d'autres pièces pour flûte à bec, afin d'éviter la monotonie. Il s'est amusé à opérer une synthèse des transcriptions de Walsh et de Geminiani autour de la célèbre 12e sonate pour violon de l'opus 5 de Corelli. Le flûtiste et chef a tout naturellement poursuivi l'exercice avec la sonate éponyme de Vivaldi alors qu'il se délecte de la Sonate en trio de Telemann, de la Ciaconna de Marcello et de la sonate de Samartini, composées elles pour la flûte à bec. Transcrivant la Chaconne pour trois violons de Purcell, il s'est même offert le luxe d'enregistrer lui-même les trois parties de flûte grâce au recording. La flûte donne un ton frais et aérien au fameux Rossignol en amour de Couperin initialement composé pour le clavecin, alors que l'unique de Bach extraite d'une aria de la Cantate des paysans BWV 212 est moins convaincante.

Mais la surprise de ce disque vient de la pièce du compositeur toulousain , commandée par en 2010. Avec habileté et humour, il a cassé les codes et les rythmes en adaptant une écriture d'aujourd'hui pour des instruments baroques. Cette fantaisie commence par un explosif Big Bang qui rappelle le chaos de Jean-Ferry Rebel, ouvrant sa suite « Les Éléments » en 1737. Elle pose aussi un regard dérisoire sur les codes de la musique contemporaine. Malmené avec un certain respect, le thème laisse une large liberté d'improvisation aux instrumentistes, s'entrelaçant jusqu'à deux flûtes jouées simultanément par JM Andrieu, puis voyageant du côté de l'Amérique et revenant en Espagne avec des rythmes de flamenco, avant un final fugué en forme de clin d'œil.

Ce brillant exercice de style est un vrai bonheur concluant un disque ensoleillé apte à combattre toute forme de mélancolie.

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