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De Fauré à Ferré, programme Verlaine avec Philippe Jaroussky

L'association entre la voix de contreténor et le répertoire salonnard du tournant du vingtième siècle ne va pas de soi. Inaugurant à Metz sa nouvelle tournée dans ce répertoire, et superbement accompagné par et le Quatuor Ebène, a fièrement relevé ce nouveau défi.

Quel meilleur choix que Metz, ville natale du grand poète, pour démarrer la tournée consacrée à Verlaine par , et les musiciens du . Depuis la publication de son album « Opium » et les concerts y afférant, on connaissait les affinités de notre contreténor national avec un répertoire qu'on pourrait penser, a priori, incompatible avec ce type de catégorie vocale. De fait, si aucun des compositeurs représentés lors de ce concert n'a sans doute jamais pensé un jour qu'une de ses œuvres puisse être interprétée par une telle voix, le caractère raffiné et parfois précieux de ce répertoire semble convenir idéalement à la nature généralement subtile, fragile et diaphane d'un instrument dont on ne cesse aujourd'hui de découvrir les multiples possibilités musicales et interprétatives. Qu'on se le dise, les troubles envoutants des mélodies de , l'exquis raffinement des poèmes mis en musique par Fauré ou, de façon plus générale, la délicieuse sensualité de toutes ces compositions datant du tournant du vingtième siècle conviennent bien davantage à la voix de que les excès et les emportements des grands héros haendéliens, conçus pour des castrats, dans lesquels ce contreténor est vocalement et dramatiquement hors de propos. L'avenir proche dira, à l'issue de la prise de rôle à Aix-en-Provence cet été, si le rôle de Ruggiero dans l'Alcina de Haendel convient réellement à ses moyens… Ce soir, dans un répertoire qui ne lui est pas « naturellement » destiné, Jaroussky aura en tout cas su exploiter sa technique parfaitement accomplie pour surmonter une méforme physique et vocale passagère, qui aura pu occasionner de temps à autres une certaine aigreur de timbre, voire parfois quelques sons franchement mal placés. Quoi qu'il en soit, si les mélodies de salon lui vont de toute évidence comme un gant, et lui permettent de déployer les qualités vocales et musicales qui sont les siennes, il est moins sûr que les chansons de Ferré ou de Trenet gagnent à être chantées d'une manière aussi lyrique, qui pourrait presque les faire passer pour « précieuses ». Le public aura néanmoins apprécié à sa juste mesure la prise de risque d'un assez improbable cross-over….

Le programme choisi pour ce concert, entièrement consacrée à des mélodies et à des chansons composées sur des textes du grand poète français, a en tout cas fait montre de la plus grande variété dans l'inspiration des musiciens qui s'y sont intéressés. Permettant à plusieurs reprises de faire entendre deux ou trois mises en musique d'un même poème, faisant généralement se côtoyer grands classiques du genre et relatives nouveautés – Szulc, Poldowski, Bordes –, il met en relief la diversité des lectures tout en soulignant ici et là certains invariants, d'un compositeur à l'autre, dans la transposition musicale des différents textes. Le choix des tonalités contribue par ailleurs à l'unité d'un programme auquel le recours à d'habiles arrangements et transpositions contribue à enlever toute monotonie. La qualité du piano de , bien plus que simple accompagnateur, trouve son parfait écho dans l'excellente participation des solistes du . On notera notamment la très belle prestation du violoniste Pierre Colombet.

Une belle soirée qui confirme si besoin était les trésors de musicalité d'un chanteur toujours jeune qui ne cesse d'élargir ses terrains de recherche et d'investigation.

Crédit photographique : Philippe Jaroussky, Jérôme Ducros et le © Marc Ribes

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