Kei Koito poursuit sa collection de récitals Bach pour Claves avec ce volume 5 sur un orgue historique de la ville d'Erfurt en Thuringe : une nouvelle occasion d'approcher avec originalité l'univers fascinant de l'orgue chez Jean-Sébastien Bach.
Ce nouveau volet illustre pleinement la diversité de l'œuvre pour clavier chez Bach : les découvertes ne manquent pas ici. L'orgue de la Cruciskirche d'Erfurt tout d'abord, moins célèbre que d'autres, mais tout aussi précieux, dans cette cité thuringienne si chère à la famille Bach, déploie des merveilles de sonorités que l'on sent déjà préromantiques, avec une profusion de jeux de fonds tous différents, se mêlant entre eux en une savante alchimie. On admire à ce titre la récente et magnifique restauration du facteur Schuke, de Postdam.
Le programme, comme à l'accoutumée dans cette série, est d'une grande originalité : des pièces célèbres côtoient des transcriptions que Kei Koito se plait à réaliser elle-même, et à interpréter de telle manière qu'elles semblent faire partie de l'œuvre officielle, en toute évidence. Parfois même, le passage de pièces pour le clavecin à l'orgue révèle la magie de l'écriture de Bach, qui s'adapte naturellement à toute circonstance. On appréciera, par exemple, la transcription de la Sinfonia d'ouverture de la Cantate BWV 21, en contrepoint au Prélude en sol majeur, dont le thème de la fugue reprend celui du premier chœur de la Cantate…
De nombreux chorals dont le fameux Jésus demeure ma joie, ici transcrit par l'interprète, mettent en valeur toute une palette de couleurs sonores parfois étonnantes. A ce titre, le Prélude BWV 902 nous offre le timbre d'un jeu d'anche rappelant curieusement (pour un orgue allemand) quelque régale portugaise. L'agogique du jeu de Kei Koito sert à merveille le discours intérieur des chorals dont le plus bel exemple est sans doute Wenn Wir in Höchten Nöten sein, extrait du Petit Livre d'orgue : choral orné où le temps suspend son vol.
La prise de son raffinée, toujours à son juste équilibre, augmente encore notre plaisir. Le livret, richement décoré des couleurs du somptueux buffet baroque rouge et or, renferme en trois langues une étude des œuvres par trois musicologues différents (Gilles Cantagrel pour le français), ce qui complète encore l'approche par les textes.
Chaque nouvel album apporte la pierre précieuse du diadème qui se construit peu à peu.