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Scriabine par Sofronitsky, le génie au service du génie

Pianiste de génie, gendre du musicien, Vladimir Sofronitsky fut l'interprète le plus inspiré de la musique de Scriabine. Malgré une qualité technique des plus rudimentaires, cet album nous le rappelle opportunément à l'occasion du centième anniversaire de la disparition du grand compositeur. Indispensable !

Le centième anniversaire de la mort de Scriabine nous vaut cette indispensable réédition. Vladimir Sofronitsky (1901-1961) ne fut pas seulement le gendre du compositeur (dont il épousa en première noce la fille ainée) qu'il n'a au demeurant pas connu personnellement mais surtout un interprète particulièrement inspiré du musicien.

Capté de 1955 à 1960, cette quasi-intégrale, à laquelle manquent la Sonate n° 7 et les trois premiers mouvements de la n° 1, est malgré ses limites techniques franchement handicapantes (en particulier les enregistrements réalisés sur le Bechstein du compositeur), d'une fulgurante splendeur. Sofronitsky vole littéralement au-dessus de son clavier et restitue avec un naturel confondant ces partitions pourtant si difficiles techniquement et spirituellement.

Le sommet de la Sonate n° 5, ce pendant pianistique du poème de l'extase est atteint par deux fois (1955 et 1958) avec la même intensité ; et les sonates ultérieures, de plus en plus ésotériques, nous impressionnent par leur mysticisme hautain. Pour compléter l'album, l'éditeur a exhumé une première sonate par , hélas elle aussi bien médiocre du seul point de vue sonore (1951) et une transcendante n° 7 la fameuse « messe blanche » sous les doigts de Richter (« un génie » selon Sofronitsky que son confrère avait qualifié de « Dieu »).

On ne peut que déplorer, en écoutant la Fantaisie opus 28, moins substantielle musicalement mais nettement mieux enregistrée (1959 également, mais en studio), que la médiocrité des enregistrements publics russes de l'époque engendre une distance sonore difficilement franchissable devant de tels documents. Il est vrai que Sofronitsky, en délicatesse avec le pouvoir soviétique, ne bénéficiait d'aucun traitement de faveur ; au contraire, les autorités n'ont cessé de le calomnier en tentant de le faire passer pour un alcoolique et un drogué, afin d'en détourner ses admirateurs. Indispensable cependant, inégalé aussi et sans doute pour longtemps !

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