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Quatre cantates pour la victoire de Saint Michel

Avec un programme thématique assurant la cohésion du concert, et avec la participation du meilleur ensemble baroque norvégien, le cru 2015 du Festival International de Musique de Sarrebourg commence sous les meilleurs auspices.

Après tant d'années consacrées aux « Chemins du Baroque dans le Nouveau Monde », c'est vers les rivages de la Baltique et de la Mer du Nord que se tourne à présent le Festival International de Musique de Sarrebourg. Le concert d'ouverture du festival 2015, abrité par les Rencontres Musicales de Saint-Ulrich, se voit ainsi consacré à trois grands compositeurs du baroque nés en Allemagne du Nord. Si l'un d'eux, , fit l'essentiel de sa carrière au Danemark et en Suède, l'autre, , débuta lui aussi au Danemark et garda ensuite, tout au long de ses années passées à Lübeck, des liens très forts avec la Suède. Au lien géographique et chronologique se rajoute, pour ce passionnant programme, une forte cohésion thématique. Les quatre œuvres retenues traitent toutes en effet de la victoire de Saint Michel contre Satan et les forces du mal, combat dans lequel certains ont cru voir, dans le contexte politique et religieux où baignaient alors les pays proches de la Baltique, une allégorie du protestantisme luttant contre les derniers assauts de la Contre-Réforme venue d'Italie et du Sud de l'Europe.

Si l'on évitera de se prononcer sur ce point, on relèvera toutefois, sur le plan purement formel et musical, que l'écriture des quatre cantates entendues ce soir atteste incontestablement l'influence grandissante des formes musicales alors venues d'Italie. À supposer évidemment qu'il soit pertinent de se prêter au jeu qui consisterait à vouloir comparer la musique de Bach à celle de ces deux prédécesseurs… Intéressante juxtaposition en tout cas, pour ce qui concerne l'évolution de la structure très marquée de l'aria, que celle des deux airs de basse des deux cantates de Bach décrivant chacune le combat avec le dragon. À côté, dans les deux cas, de la vocalité débridée de l'écriture pour voix soliste ou de la rutilance de l'orchestration, la cantate de Buxtehude paraîtrait presque d'une austérité toute « protestante ». On n'en apprécie pas moins la finesse de son écriture chorale ou encore son intériorité rayonnante, tout en soulignant l'énergie communicative du motet de et de ses extravagances instrumentales, véritable concerto qui mettra de temps à autres les trompettes en difficulté.

Nonobstant ces quelques accidents, inévitables lorsqu'on joue en direct sur des instruments anciens, l'interprétation de l'ensemble norvégien est en tout point exemplaire. Même si chaque instrumentiste est parfaitement à sa place, on sera particulièrement admiratif de la participation du violoncelliste , ou encore de celle de la flûtiste . Des cinq solistes vocaux réunis sur le plateau, seule la basse de Håvard Stensvold se détache réellement. Les quatre autres font tous preuve de la musicalité la plus exquise, notamment la soprano et le ténor . Leurs moyens relativement modestes sont largement compensés par la clarté et la transparence de leur émission, qui en disent long sur la formation musicale dispensée dans les pays du Nord. À la tête d'un ensemble relativement jeune, le vétéran préside avec sa grâce et son efficacité coutumières aux destinées d'une formation encore peu connue en France à l'heure actuelle mais sans doute promise à un brillant avenir pour les décennies à venir.

Crédit photographique : © dr

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