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Svadba : les nouvelles Noces du Festival d’Aix

Aix accueille en version scénique la création européenne de Svadba, opéra de la compositrice serbe .

Conçu pour six voix de femmes a capella, Svadba (Mariage en serbo-croate) apparaît d'emblée comme un avatar contemporain des fameuses Noces de Stravinsky. Le sujet tout d'abord : une manière d'enterrement de vie de jeune fille à la veille de son mariage. Le style musical ensuite : la radicalité d'une partition incantatoire. Délestée des pianos et des percusssions stravinskyens (juste un carillon adamantin permettant de maintenir la justesse, un ocarina, un grondement), l'œuvre d' est plus radicale encore. Néanmoins, toute d'énergie et d'invention (le folklore sur lequel elle s'appuie n'est jamais cité en tant que tel mais toujours réinventé), elle aboutit au même envoûtement. L'Anastasia d'Igor est bien évidemment l'ancêtre de la Milica d'Ana.

La partition décline ce moment bouleversant d'une vie de femme en six tableaux qui, en 50 minutes, cheminent du crépuscule à l'aube. On se remémore des souvenirs, on joue, on se teint les cheveux, on subit le rituel de la toilette, on moque la gent masculine… Au petit matin, seule, Milica n'est plus la même. La nostalgie de son chant solitaire fait écho au volontarisme de la note initiale tenue avec aplomb par les six femmes.

On pourrait croire les jeunes chanteuses venues de Serbie. Il n'en est rien. et (issues de l'Académie du Festival), , , Andrea Ludwig et viennent du Canada (où la compositrice s'est établie et où son opéra a été créé en 2011), de Belgique, de France, d'Irlande. Sous le geste attentif de Dáirine Ní Mheadhra, elles sont magnifiques de fraîcheur vocale, de grâce scénique.

La petite scène d'un théâtre du Jeu de paume aux allures de Bouffes du Nord est habillée de sobres panneaux, dans une austérité visuelle tout droit sortie des derniers Chéreau. La mise en scène de (lui aussi issu de l'Académie du Festival) et Zack Winokur, essentiellement concentrée sur les corps, est en fait fascinée par cette musique, dont elle tient à montrer tous les contours.

Ainsi Svadba, œuvre à la fois légère et dense, accueillie avec succès, ajoute un contrepoint qui fait sens aux grosses machines d'un Festival où les femmes auront été très à l'honneur.

Crédit photographique : © Bernard Coutant

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