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Une journée aux Cantiere de Montepulciano

Reportage aux Cantiere Internazionale d'Arte de Montepulciano, en Toscane, un festival et une école d'été fondés par Hans Werner Henze en 1976.

Imperceptible tout d'abord, une très lente rumeur, étirée par les archets des violons, s'élève et tournoie sous la coupole de la merveilleuse église de San Biagio, à Montepulciano. Lente naissance du son, léger grondement, lointain, puis insistant, inquiétant. Grattement des doigts sur les cordes, caresses de la paume. Affolements d'insectes, froissements de plumes. Puis un cri, court et violent. Déchirure. Reprise de la rumeur, crissements, craquements, deuxième cri strident. Transformation permanente du timbre, manipulation d'un continuum de sons et de bruits, exploration des textures instrumentales, le morceau de est fait d'une alternance de pleins et de déliés, sans que la tension se relâche pendant toute la durée de l'œuvre. L'attention du public non plus, suspendu au violon de , gracieuse, précise, émouvante, lauréate du quatrième prix au récent Concours Tchaïkovski. Son visage concentré, calme, détaché. Son jeu de fièvre, gestes courts articulant la déconstruction du son, sans en rompre l'unité. Sa main gauche faisant vibrer les longues notes, comme un cœur d'oiseau. Oui, on pouvait se croire sur l'Île des sirènes.

Au programme de ce concert d'après-midi, donné le 17 juillet 2015 au Palazzo Ricci de Montepulciano, dans le cadre du troisième festival de musique de chambre de l'Académie européenne d'Art et de Musique, avec l'Orchestre des stagiaires de l'Académie rhénane, il y avait eu, en ouverture, une Symphonie de Haydn, dirigée avec entrain par . Ensuite une pièce de Turina, la Oración del torero, très évocatrice, et pour finir, jouée par , redevenu clarinettiste, le Concerto pour clarinette KV622 de Mozart. Un clarinettiste dansant, jouant avec les  violons, tourné vers eux dans un dialogue subtil et joueur, avec un enthousiasme et une gaieté si généreuse qu'elle reste encore longtemps après que le concert soit fini.

Le soir, le festival continuait dans le joli Teatro Poliziano, avec la première d'un opéra de (musique) et Carlo Pasquini (livret) sur la mort de Pierpaolo Pasolini. Idroscalo, du nom du quai des hydravions qui arrivaient au port d'Ostie, où son corps fut retrouve le 2 novembre 1975, l'année même de la création des Cantiere, sept tableaux, quatre chanteurs et cinq acteurs qui représentent les multiples identités pasoliniennes.

L'ouverture installe l'œuvre dans le chaos de la ville, sur un décor de terrain vague. Un clodo, Stracci, personnage du film la Ricotta (1962), arrive en courant, tenant un gros pain… que lui arrache Othello, personnage sorti d'un autre court métrage, Que sont les nuages (1967). Ce sont deux des acteurs. Arriveront ensuite Maria Callas (dont la voix hélas n'était pas à la hauteur !), un policier, un cardinal… Aucune voix, rien dans le texte ni dans la musique, pauvre, ne font honneur au fastueux poète, cinéaste révolté. Et la fastidieuse crucifixion de Stracci, à la fin, signait l'ennui de cette œuvre, enluminée pourtant, dans les derniers instants, d'une vidéo émouvante de Pasolini.

Crédits photographiques : © Elisabeth Schneiter

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