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Le dernier Schubert sous les doigts de Sodi Braide

Né en Angleterre de parents nigériens, est un musicien éclectique, aimant croiser les genres, les styles et les époques. Après un premier CD monographique consacré à l'intégrale de la musique pour piano de César Franck, salué par la critique en 2006, ce nouvel album solo s'attache au dernier Schubert.

L'ultime Sonate D960, monument qui concentre toutes les facettes de l'art schubertien, côtoie les quatre Impromptus D899, premiers d'une série de huit, écrits dans le sillage du deuxième cycle de Lieder Winterreise (Voyage d'hiver).

On est d'emblée interpellé par le jeu de Sodi Brade, par sa manière de faire vivre les contrastes et d'aviver les couleurs. Il confère au sublime Impromptu n° 1 une transparence dans la polyphonie et une infinie poésie dans la ligne de chant. Dans le second, la délicatesse du toucher le dispute à l'urgence du jeu porté par la même énergie du son. La sensibilité avec laquelle il conduit la ligne mélodique du très ondoyant Impromptu en La bémol majeur confine à la grâce, tandis qu'il souligne le relief dramaturgique de la dernière pièce avec cette incandescence du jeu qui captive l'oreille.

L'ultime sonate de Schubert est un véritable cheminement initiatique, à l'image de Winterreise. Sodi Brade nous embarque dans cet ultime voyage et ne nous lâche pas. Le fil narratif dans le premier mouvement, « quasi una fantasia », avec ses reprises, ses silences inquiétants et l'obsession de ses notes répétées, n'est jamais rompu dans l'interprétation très habitée du pianiste. L'expression se creuse dans l' « Andante » suivant, sorte de cavatine funèbre sous les doigts de l'interprète. L'élan qu'il donne à la partie centrale n'en est que plus émouvant, tout comme cet éclairage nouveau qui baigne la réexposition. L'allure bondissante et quasi juvénile du « Scherzo » est aussi soudaine que régénératrice. Ce troisième mouvement ramène plénitude du son et registre aigu baigné de lumière, même si le Trio central réitère d'anciennes obsessions. La même vitalité gorge le dernier mouvement, dont les dégradés de couleurs opérés par l'interprète créent la nuance, tout comme ce « voile » qui tombe sur l'ultime énoncé du thème, juste avant l'une des plus belles péroraisons jamais entendues.

 

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