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Franco Fagioli au TCE : approfondissements

, en guest star au Théâtre des Champs-Élysées, dans son répertoire de prédilection, poursuit son ascension irrésistible au Panthéon des contre-ténors.

En effet, tenir une soirée entière sur un seul nom pour un récital de chant alors que l'année dernière il officiait encore à la salle Gaveau est une preuve de cette reconnaissance, longue à venir, du monde du théâtre lyrique, et ce, d'autant plus méritante que la voix de tête chez les hommes n'attire pas nécessairement les foules. Seulement, il s'agit là d'un phénomène vocal assez rare pour qu'il soit reconnu comme tel. À la différence des précédents récitals, le chanteur argentin s'est un peu calmé sur le plan comportemental et ne fait plus autant de simagrées qui pouvaient être à son désavantage quand cela soulignait excessivement la musique, comme si celle-ci ne se suffisait pas à elle-même et qu'il aurait fallu une transcription en gestes pour l'entendre plus correctement. De ce fait, épurée de toutes ces évolutions superflues, la voix prend un envol encore plus perceptible, notamment dans la capacité d'intériorisation du chant, où la virtuosité vocale n'empêche pas une continuité des lignes vocales et une cohérence dans le legato.

arrive admirablement bien à mixer tous les registres, à camoufler avec habileté les passages, et usant ardemment de sa voix de poitrine, quand bien même le registre grave de sa voix de tête est sonore. Sa capacité à timbrer, la richesse harmonique de sa voix et le naturel du vibrato font donc de la voix du chanteur une émanation pure de la musique, asexuée (ou plutôt bisexuée) et pourtant très engagée.
On ne peut que frémir devant la fin de « Mentre dormi » avec un trille qui s'éteint aux confins de l'audible, à l'instar de l'onde qui s'échoue sur le rivage. On retrouve cette même introspection dans « Scherza infida », dont les répétitions de thèmes et les différentes modulations font apparaître les états successifs d'Ariodante, entre dépit, rancune et désespoir. Se confrontant aux monstrueusement difficiles airs « Nel profondo cieco mondo » et « Dopo notte », les comparaisons avec Marilyn Horne ou Anne-Sophie von Otter viennent forcément à l'esprit, et de façon surprenante parvient à attirer ces airs à lui, dans la facilité technique qu'on lui connaît, mais sans ostentation : juste la ligne, l'égrainement savant des notes, l'articulation pondérée des vocalises. Dans un registre qui lui convient admirablement (peut-être moins que celui de Porpora), il se hisse sans difficulté face à d'illustres prédécesseurs.

Le accompagne avec brio le chanteur et s'illustre tout particulièrement dans la vivacité et l'ingéniosité du Concerto Grosso de sur le thème de La Follia : on y trouve un engagement sincère, entendu également dans la partie des hautbois de l'Ouverture en sol mineur de Francesco Maria Veracini, agiles et denses.

Un récital de chant sur un répertoire classique avec des chevaux de bataille connus, dans une continuité de répertoire de Franco Fagioli qui se veut ainsi une relève exemplaire des héros masculins de l'époque baroque.

Crédits photographiques : © Julian Laidig

 

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