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Heisser et Neuburger à la Belle Saison

Dans le cadre de la Belle Saison aux Bouffes du Nord, deux pianistes français,  et , livrent un beau programme — français — en duo, dont une création de .

Ce lundi 16, la plupart des institutions culturelles rouvraient leurs portes après la fermeture suite aux tragiques événements du vendredi 13 novembre. prend d'abord la parole pour rendre hommage aux victimes de l'attentat, avant d'expliquer brièvement le programme, consacré aux compositeurs français (Stravinsky venait d'acquérir la nationalité française en 1934, un an avant la création du Concerto pour deux pianos solo à la Salle Gaveau, avec le compositeur et son fils Sviatoslav Soulima aux pianos).

Ravel a écrit la version à quatre mains de la Rapsodie espagnole en même temps que sa composition orchestrale. On peut suivre aisément les couleurs de différents instruments, renforcées par des croisements de mains et de bras entre les deux musiciens dans de nombreux passages, notamment dans « Habanera » et « Feria ».

Rarement joué, le Concerto pour deux pianos solo de Stravinsky, qui, selon , évoque en quelque sorte la conception de Concert sans orchestre (Sonate pour piano n° 3 op. 14) de Schumann, est une œuvre assez néo-classique malgré un extraordinaire éclectisme, avec des éléments de jazz et diverses formules rythmiques utilisant des notes et des accords répétés. Même le thème de la fugue finale est exposé sur un tapis de notes répétées en triolets. L'interprétation accorde à ce fond sonore une vitalité tonique et ravigotante, sans oublier des touches délicates dans le « Notturno » et l'« Adagietto ».

Après l'entracte, la création de Tourbillon de Mantovani, la pièce maîtresse de la soirée. Le compositeur explique que l'œuvre est construite sur « un flux de pas grand-chose », comme un tourbillon est une masse d'air, du « rien » qui n'existe que par la vitesse. Pendant une vingtaine de minutes, sur un fond sonore d'arabesques, de nombreux notes et accords répétés — est-ce par hasard qu'on retrouve une idée semblable à celle de Stravinsky qu'on vient d'entendre ? — la musique évolue peu, changeant régulièrement de caractère. Ce fond sonore explore un espace acoustique, à droite et à gauche selon la position des deux pianos, mais aussi à l'aide de pédales. Le compositeur a également souligné le rapport entre les trois musiciens travaillant dans le même espace, le Conservatoire supérieur de Paris, et qui ont collaboré étroitement dans le processus de la création. L'effet acoustique est captivant, voire envoûtant sous les doigts de deux grands pianistes qui attirent irrésistiblement l'auditoire, même si Mantovani précise que l'œuvre est obsessionnelle et nihiliste, « comme si elle avait été écrite après l'événement ».

Le concert se termine avec l'Apprenti Sorcier de Dukas, dans lequel le commis essaie d'ensorceler sans y parvenir… mais notre duo le réussit, avec grand succès en plus ! En bis, Nuage de Debussy transcrit pour deux pianos par Ravel. Ici aussi, on entend des fragments mélodiques sur un fond d'accords ou de notes répétés… Un programme où règne à la fois une grande cohérence et une merveilleuse diversité.

Crédit photographique : La Belle Saison : Jean François Heisser & © Sarah Esmieu – Théâtre de Coulommiers

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