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Récitals d’Elisabeth Schwarzkopf : une vie pour la musique

Pour le centenaire de la naissance d', Warner rassemble dans une jolie petite boîte ses récitals pour EMI, un legs précieux qui touche souvent au génie.

Certes, on ne doit pas négliger les premiers enregistrements de la radio du Reich, ni la pureté des premiers 78-Tours pour HMV, avec des lieder et des curiosités (les Introuvables, jamais édités en CD, avaient révélé de superbes « Sweet bird », « Depuis le jour », « Jauchzet Gott ») ; on complètera par ses enregistrements de studio hors EMI, le Spanisches Liederbuch chez Deutsche Grammophon, les Ophelia Lieder de Strauss avec Glenn Gould (le cycle est présent dans ce coffret avec Parsons), le dernier récital chez Decca (To my Friends, 1979) ; on n'oubliera pas surtout les enregistrements live, qui montrent une chanteuse sensible comme du vif-argent (les Quatre Derniers Lieder avec Karajan en 1956), celle qui était après tout capable de brûler les planches avec les plus grands chefs au théâtre (Cantelli, Furtwängler et encore Karajan).

Ce coffret n'est donc pas tout l'héritage de Schwarzkopf en récital, mais c'en est la part la plus personnelle. Presque chaque année de 1952 à 1974, à Abbey Road et à Kingsway Hall, puis à Berlin, la chanteuse et son époux élaboraient des programmes de récitals, les répétaient, les enregistraient, les écoutaient sans indulgence, et rejetaient ou recommençaient ce dont ils n'étaient pas absolument satisfaits. Sans doute le perfectionnisme et la rudesse de Legge ont-ils hâté sa mise à l'écart d'EMI, dès 1963, mais, en gardant la main sur les enregistrements de Schwarzkopf, il lui a fait graver encore des réussites universellement reconnues, les trois albums avec (le Wunderhorn de Mahler, les lieder de Richard Strauss et les airs de concert de Mozart).

Certains récitals sont chéris depuis leur parution, à commencer par le premier, des lieder de Schubert qu' colore de sa touche inimitable ; on connaît aussi, depuis qu'EMI l'a édité, les lenteurs et les beautés du récital Wolf de 1953 à Salzbourg, avec au piano. Le coffret contient beaucoup d'autres classiques, les airs de Mozart avec Pritchard et ses lieder avec , et les Quatre Derniers Lieder de 1953. Si aujourd'hui Wolf est reconnu comme un maître du lied, c'est pour une bonne part l'ouvrage de Schwarzkopf : en plus du récital déjà cité, il en existe trois autres et l'Italienisches Liederbuch, tous soutenus par .

Parmi les albums à redécouvrir, on écoutera les poignants cycles de Schumann avec Parsons (1974), malgré un chant fragilisé, les quatre volumes de l' Songbook, réédités pour la première fois sous leur forme originelle, et les adieux de , avec Fischer-Dieskau et Victoria de los Ángeles, un autre moment historique conçu et capté par Legge. Même les duos de Monteverdi et de Dvorák, dénaturés par le piano pour l'un et la langue allemande pour l'autre, offrent un alliage voluptueux avec la voix d'. Et en dehors de la mélodie, il y a l'opérette viennoise, les chants de Noël, l'opéra allemand, anglais et italien, les « encores »…

La voix argentine des années d'après-guerre, encore celle de la jeune colorature qu'elle était à ses débuts, la voix féminine et veloutée de la maturité, la voix automnale assumée avec art de la dernière décennie nous retracent, tandis que nous écoutons ces vingt-neuf récitals, le parcours d'une chanteuse à la recherche constante de la perfection. Héritage précieux d'une vie dédiée à la musique et à la poésie.

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