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La Suave Melodia par Les Timbres

Rarement un programme n'aura aussi bien mérité et porté son titre que le parcours jubilatoire proposé par , associés au duo japonais dans des pièces instrumentales du premier baroque.

Après un formidable premier opus consacré aux Pièces de clavecin en concert de Rameau (Flora 3113), L'Ensemble nous offre un programme de raretés illustrant la révolution musicale opérée entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe, soit le passage de la Renaissance à l'ère baroque, dont le titre La Suave melodia, provient d'une pièce du compositeur et luthiste napolitain Andrea Falconiero.

La polyphonie s'efface au profit de la mélodie, qui permet une meilleure compréhension du texte, celui-ci dominant dorénavant, et les chanteurs s'individualisent en sortant du chœur. De même, la musique instrumentale s'émancipe de son rôle de pur accompagnement pour devenir une finalité avec une écriture propre à chaque instrument. La grande famille des violes s'organise et devient moins nombreuse pour permettre l'ascension du violon et maintenir, un grand siècle encore, la domination de la viole de gambe. Comme de juste, c'est en Italie que ces nouveautés apparaissent, avec un foisonnement de la facture instrumentale pour rayonner ensuite sur l'Europe entière.

Les jeunes musiciens réunis autour de la viole de gambe de , Yoko Kawabuko au violon, à l'orgue positif et au clavecin, aux flûtes à bec et au clavecin et à l'orgue, nous transportent par la vitalité de cette musique peu connue et l'enthousiasme contagieux de leur virtuosité.

Madrigaux instrumentaux, sonates, canzon de Turini, Merula, Cima, Falconiero, Cesare, Gabrieli, Riccio ou Castello se succèdent et se télescopent en une énergie jubilatoire dominée par les flûtes de l'étonnant Kenicho Mizuuchi. Méconnus du grand public, à l'exception de Gabrieli, qui fit les beaux jours de la basilique Saint-Marc de Venise, ces compositeurs révèlent une inventivité joyeuse dans la libéralisation de l'expressivité instrumentale. Les hauts instruments comme le violon, la flûte à bec puisque le traverso n'est pas encore inventé, où le dessus de viole s'individualisent dans des envolées rythmiques et autres arabesques, avec le socle solide de la basse continue.

Le consort se divise parfois en trois chœurs, jouant de spatialisation sonore dans le très périlleux exercice d'un instrument par partie, qui ne tolère pas la moindre approximation. C'est ainsi que l'on est charmé par un délectable dialogue entre le violon de Yoko Kawabuko et les flûtes de , qui alterne selon les pièces entre des instruments soprano, ténor et basse, variant les couleurs et les sonorités selon la tessiture et la tonalité. On apprécie son aisance dans ces pièces de haute voltige et l'on se régale d'une belle circulation des thèmes entre les pupitres, favorisée par une prise de son de grande qualité.

Da chiesa ou da camera, ces sonates et canzon s'adaptent aussi bien pour la chapelle que pour la chambre, servant invariablement le sacré ou le profane dans une même élévation.

À côté de suites de danses du XVIe siècle, on goûte de belles recettes baroques sur des basses obstinées qui demeurent longtemps en tête. Avec la Folia de Falconiero à trois chœurs et La Cattarina de Merula, l'un des sommets du disque consiste sans doute en cette Canzon à deux dessus de Riccio, avec un dessus de viole en écho, comme une voix d'ange.

Comme la plupart des productions du label belge Flora, la présentation de l'objet est particulièrement soignée dans un digipack joliment illustré d'un tableau de gnomes et grotesques du Maître de la fertilité de l'œuf (Musée des Beaux-Arts de Dôle) avec un texte passionnant du musicologue Guillaume Bunel.

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