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Blanca Li et Maria Alexandrova, déesses et démones peu inspirées

La célèbre chorégraphe andalouse, , présente sa nouvelle création, Déesses et démones, au théâtre des Champs-Élysées. Un spectacle où la quête du spectaculaire prend le pas sur la profondeur et l'émotion.

Reine égyptienne à la coiffe allongée, se détache, silhouette sombre sur un fond blanc éclatant strié de raies noires, comme des persiennes. Elle ondule avec souplesse et précision, déesse mystérieuse et mystique.

Dans ce spectacle conçu par comme une ode aux femmes et à leur pouvoir créateur à travers les mythes fondateurs, des images, d'une beauté frappante, restent en tête. La robe rouge aux pans interminables qui ondulent en vagues autour de , virevoltant tel un derviche  les projections vidéos et les ombres qui créent un véritable décor virtuel, emplissant la scène de serpents, de fleurs et de branches  les hologrammes qui permettent le dédoublement des danseuses; ou le tableau plus sobre où les danseuses avancent avec des bougies, telles des vestales antiques.

Des déesses et démones un peu trop sages

Et pourtant, une fois l'effet d'étonnement passé, la déception ne tarde pas à se faire sentir. Cette débauche d'effets visuels ne suffit pas à faire oublier la pauvreté chorégraphique du spectacle. L'œil finit par se lasser de voir les danseuses tourner sur elles-mêmes, soulever leurs jupes par de grands levés de jambes et agiter leurs longues tresses de cheveux postiches. Pourquoi ne pas avoir utilisé les possibilités techniques de , puisqu'en la choisissant, Blanca Li recherchait une technicienne hors pair ? Pourquoi ne pas avoir cherché à mêler leurs deux styles, à utiliser les influences contemporaines, hip-hop et flamenco dont se nourrit Blanca Li ?
La cohérence du spectacle n'est pas claire, les relations entre les deux danseuses sous-exploitées. On attendrait des contrastes, des oppositions affirmées d'où jaillirait la force créatrice. Certes, le plateau est parfois divisé en noir et blanc, Blanca Li appartenant plutôt au côté sombre, au côté lumineux. Mais cela ne suffit pas à construire un discours, une opposition entre les deux danseuses, dont les rôles sont mal définis. Les références mythologiques sont esquissées et brouillées : est-on dans l'univers de l'antiquité grecque, romaine, égyptienne ou un peu des trois ? Où sont les forces du chaos, les démones évoquées dans le titre ? Les deux danseuses restent bien sages. L'attente d'une rupture causée par un moment de déchaînement, de fureur reste vaine.

Les choix musicaux manquent aussi cruellement de cohérence. Les morceaux, très beaux pris individuellement – La Danse macabre de Saint-Saëns, le Concerto pour piano n°1 de Chopin arrangés par , le frère de Blanca Li – donnent l'impression d'un patchwork aléatoire et dépourvu de sens.

Quel dommage que la quête de spectaculaire prenne le pas sur la profondeur chorégraphique ! L'impression d'occasion manquée est réelle : des danseuses exceptionnelles à la confluence de deux univers, de bonnes idées scéniques avec l'utilisation de la vidéo et des jeux de lumières, des costumes somptueux créés par de grands noms de la mode – Azzedine Alaia, et Stella McCartney  tous les ingrédients étaient là pour produire un chef d'œuvre. Mais les bons ingrédients ne suffisent pas à créer les meilleurs plats  il faut cette chose indéfinissable, l'alchimie. Or ces deux grandes dames de la danse ne parviennent pas à emplir l'espace scénique et à nous transporter dans leur monde, laissant un goût d'inachevé.

Crédit photographique : © Nico

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