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Cathy Krier : une étoile va naître

Geste d'espoir en ce début d'année 2016 : la Philharmonie propose une série de concerts « Rising stars », en compagnie des grands musiciens de demain.

La pianiste luxembourgeoise est encore peu connue du public français. Sans doute cela tient-il à son jeune âge, mais aussi au répertoire qu'elle aborde, exigeant et original ; les enregistrements récents qu'elle en laisse, quoique largement salués, ont dû rejoindre la caverne des secrètes trouvailles que les mélomanes les plus avertis gardent par devers eux. Pour autant, , et c'est heureux, suit son goût et la pente de son talent : elle continue à explorer des genres et des époques que beaucoup délaissent par facilité. Faire vivre ces musiques lui mérite d'emblée notre reconnaissance.

Dans le programme d'une rare fraîcheur qu'elle propose pour son récital à l'amphithéâtre de l'ex-Cité de la musique, se détachent nettement les traits de génie, quelquefois aussi les faiblesses de son jeu. Le tout meilleur est à trouver dans les pièces qu'elle a déjà données au disque. La Suite en sol de Rameau est une gerbe d'étincelles : du haut de son irréprochable rigueur rythmique, la pianiste proscrit toute langueur, dans les déclinaisons de phrase en particulier, et construit un discours qui frappe par sa vitalité, son humour. Dans « La Poule », mêle même à sa narration un rubato intelligent : face à ces figures ainsi mises en lumière, on ne sait s'il faut rire du ridicule de l'animal écervelé, ou s'émerveiller des beautés que Rameau a imaginées pour le clavecin, et auxquelles le piano de Cathy Krier rend toute justice.

La même verve, la même science de la conduite exaltent quelques unes des onze pièces de Musica Ricercata de Ligeti : dans le Cantabile en particulier, on admire l'indépendance des deux mains, la gauche, avec son ostinato volubile et obsédant, et la droite, qui égrène calmement une mélodie d'inspiration populaire.

Moments d'absence

Pourtant, au travers même de ces belles réalisations, on entrevoit ce qui empêche l'astre de Cathy Krier de briller encore de tous ses feux. Au-delà d'un Ravel techniquement décevant, trop à l'état d'ébauche pour être présenté au public, mais que l'on pardonne presque au nom des quelques pépites de lyrisme qui s'y enchâssent (la deuxième valse, « sentimentale » à souhait), on déplore que l'inspiration de Cathy Krier en vienne à s'émousser par endroits. Dans certains passages, dont on peut supposer qu'ils laissent son imagination plus indifférente, la pianiste semble s'éloigner de l'instant. Son toucher devient alors plus banal, et l'articulation des lignes moins soignée. La pièce du compositeur , qui met intelligemment en regard deux mondes de sons et d'harmonies, est interprétée de façon trop impersonnelle pour convaincre. Les attaques des doubles forte sont plus criardes que violentes, et elles nous instillent, à notre cœur défendant, une pointe d'exaspération, sinon d'ennui.

Crédit photographique : © Delphine Jouandeau

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