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Jean Sibelius, canal historique

Le coffret Warner rassemble les premiers enregistrements de l'œuvre de Sibelius entre 1928 et 1945, et constitue une somme qu'aucun sibélien ne saurait ignorer. 

À l'instar de son contemporain Frederick Delius, a connu les honneurs de l'enregistrement dès le début des années 30, lorsque la technique a permis de rendre sufisamment justice au répertoire symphonique. Et pour tous les deux, les coups d'essais ont été des coups de maître. Pour Sibelius, on est tout de suite au sommet avec deux géants de la direction en osmose avec sa musique, son compatriote et ami et Sir .

La discographie se remplira plus tard de références plus luxueuses, aux prises de son plus imposantes, à la recherche musicologique plus avancée, mais on ne retrouvera pas cette fraîcheur des pionniers, cette poésie indifférente aux effets de démonstrations, cette netteté dans l'expression (le Concerto par et Beecham est impressionnant de tranchant sans sécheresse ni raideur). Autant de qualités qui sont sans doute appréciables en toutes circonstances, mais qui conviennent particulièrement à l'art de Sibelius, indissociable de la nature âpre et de l'âme scandinaves, comme à la sensualité impressionniste de Delius.

Pour Beecham, on a souvent souligné que ses gravures des années 30 avaient plus de fraîcheur et d'âme que les enregistrements d'après-guerre. À écouter ce coffret, cette évolution semble s'expliquer surtout par le changement d'époque. Durant les années 40, les interprétations orchestrales se sont faites plus rudes et tendues sous l'effet cataclysmique de la guerre (c'est particulièrement frappant avec Furtwängler, mais il n'est pas un cas isolé). Avec les années 50 s'ouvre le temps des prises de son de démonstration. La poésie des brumes se dissout sous l'effet de la mode de l'analytique, du précis, du spectaculaire. La magie résiste mal à l'objectivité et à la crudité des lumières.

Ces enregistrements sont pour la plupart des classiques multi-réédités  (lire notre chronique sur les enregistrements Kajanus chez Naxos), mais l'avantage est de disposer de l'ensemble de ce qui se faisant de mieux à l'époque dans un coffret compact et à un prix extrêmement modique (7 CDs pour environ 15 € !). En attendant que nos chefs et orchestres modernes redonnent la primauté de l'effet poétique sur la recherche de l'impact sonore,  on se réjouit de disposer de ces gravures historiques qui restent des références pour aujourd'hui.

Les reports utilisés sont pour la plupart (la notice du livret n'est pas plus précise) ceux d'Anthony Griffith (1915-2005), et sont de bonne qualité, avec un peu plus de bruit de surface que ceux de Mark Obert-Thorn pour Naxos mais sans gain qualitatif. Rien de changé donc par rapport à la politique de transferts d'EMI, on reste en-deçà des standards de Naxos et des labels spécialisés.

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