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Énigme chorégraphique avec le Groupe Lolita

Le festival Art Danse de Dijon propose Qui a tué Lolita? , pièce phare du collectif Lolita dans les années 80.

C’est un autre monde qui s’offre à nous : la projection d’un générique en noir et blanc présente les protagonistes, Barbara, Tania, Lili, Baby Lou, et Docteur Li, Alex, Miguel, qui semblent photographiés par le Studio Harcourt… La suite de la représentation ne dément pas cette impression : les impers ceinturés, les chaussures bicolores portées par des messieurs au genre évident, la livrée de larbin pour Alex, la jupe virevoltante ou la tenue de vamp, tout nous plonge dans le milieu nocturne et peu recommandable des années cinquante.

Le spectacle est évocateur de cette ambiance typique, mais aussi, à travers de petites séquences un peu décousues, il raconte aussi un banal fait-divers qui a pour cadre une boîte de nuit. Toutes les femmes s’y font appeler « Poupée » ou « Baby »; et les messieurs peuvent se targuer d’être des souteneurs, des malfrats à la gâchette ou à la corde à étrangler faciles.

Les danseurs s’amusent et nous amusent en se servant des codes et des attitudes de cette population sortie des films noirs. Les jeux de jambes de Baby Lou, les déhanchés suggestifs, le tour de chant rauque et sensuel de la vamp un peu « sossotte », tout y est. Les hommes ne sont pas en reste avec les bagarres, les baisemains, les mimiques de mâle supérieur qui ne s’en laisse pas compter; bref, un retour en arrière amusant à mi-chemin entre parodie et attendrissement.

Les allusions aux films américains ne manquent pas : on croit voir des gestes de Chaplin ou de Laurel et Hardy chez Alex, et évidemment on se rappelle Rita Hayworth dans Gilda quand la vamp ôte son gant ! Deux évocations de la comédie musicale sont hilarantes : les hommes parfaitement synchrones s’approprient le plateau avec les gestes inhérents au genre et parfaitement assimilés; les filles, déguisées en hommes, règlent parfaitement un ballet bien adapté. On revoit Fred et aussi Ginger…

Derrière ce pastiche, bien évidemment les déplacements sont étudiés, les diagonales bien pensées avec un sens de l’esthétique évident. Les gestes sont toujours souples et utilisent volontiers l’arrondi si l’on peut dire, comme un rappel discret du classicisme. Tout mouvement est une danse et doit visiblement être considéré comme tel : même si l’exécution d’une rumba ou d’un mambo peut paraître anecdotique, il s’agit de faire en sorte que les couples soient distribués correctement dans l’espace, et que chacun ait son individualité, car les jeux de scène sont eux aussi de première importance. Les lumières étudiées pour créer une ambiance glauque, les projections de fonds de scène parfois formées d’images déformées de bâtiments urbains, tout cela met en valeur le noir et le blanc des costumes, que vient rompre seulement le rouge fugitif de la vamp.

Cinéma, danse, spectacle de cabaret, et intrigue policière, tous les genres se mélangent et s’harmonisent de façon assez ludique. Mais…
Depuis le début du spectacle on se demande : qui est donc cette Lolita ? Pourquoi veut-on la tuer ? C’est de toute évidence un crime crapuleux… On n’en dira pas plus : tout se découvre à la fin. Il faut aller voir Qui a tué Lolita ? pour avoir la clé du mystère.

Crédit photographique : Collectif Lolita © Arnaud Sauer

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