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La Flûte enchantée par Furtwängler : un monument

« Êtes-vous d'avis vous aussi que mes tempos sont trop lents ? » « Maestro, si n'importe quel chef prend vos tempos, ils sont trop lents ! ». Ce dialogue entre et se vérifie complètement dans leurs enregistrements de La Flûte enchantée à Salzbourg. La Société nous invite aujourd'hui à redécouvrir celui du 6 août 1951.

La captation de 1951 ne présente que peu de différences avec celle de la première année de cette production, 1949 : en Tamino, Anton Dermota chante magnifiquement et brûle d'une flamme qui fait pâlir son prédecesseur Walther Ludwig ; le Papageno viennois d' est inimitable. Pour le reste de la distribution, est-on au même niveau ? De vraies personnalités, mais pas des modèles de chant mozartien, comme une Wilma Lipp vieillote en Reine de la nuit, un Sarastro et un Orateur sympathiques mais à la ligne précaire, des Dames péniblement fausses. Et Seefried, plus éprouvée, justement, par les tempos qu'en 1949, mais toujours d'une éloquence inouïe, jusqu'à un « Ach, ich fühl's » d'un terrible dénuement.

Mais ces défauts importent peu. La Flûte enchantée de Furtwängler est un monument qui respire ; c'est un monde dans lequel la raison et le merveilleux se répondent et s'équilibrent. Les saillies de Papageno et la douceur des Enfants n'y sont pas du tout déplacées. Le théâtre est toujours présent. Et dès l'Ouverture, on est saisi par un sens narratif qui ne faiblira pas pendant ces trois heures. Que ce résultat soit dû à un chef qu'on a dit dépressif et qui a laissé certaines des interprétations les plus sombres et violentes que l'on connaisse, cela pourrait étonner. L'explication qui vient à l'écoute de ce témoignage historique, c'est l'humanité, un terme qui ne paraît pas galvaudé ici. C'est elle qui fait de cet enregistrement, réédité avec grand soin, un formidable remède à la laideur du monde.

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