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L’intimidant legs discographique d’Emil Gilels

Deutsche Grammophon nous rend l’essentiel du legs discographique d’Emil Gilels, en ajoutant aux gravures DG celles jadis publiées par Westminster. La figure hautaine et monumentale du pianiste russe en ressort avec une grandeur impressionnante. Un magnifique hommage.

Ce superbe coffret de 24 CD reprend, outre les enregistrements réalisés pour la DGG entre 1975 et 1985, année de la mort du musicien (1916-1985), sept gravures d’origine Melodiya/Westminster, antérieures à 1958 ; Gilels y est entouré de l’élite des chefs et chambristes soviétiques (Sanderling, Rostropovitch, Kogan, Kondrachine) et en impose déjà par sa virtuosité et son style hautain et sans concession. Cette caractéristique se retrouve dans les gravures DGG, marquées avant tout par l’intégrale, hélas inachevée des sonates de Beethoven ; neuf CD de belle tenue mais auxquels manque, et manquera toujours cinq sonates dont surtout l’opus 111 ! Le style est sévère, puissant, impeccablement architecturé, volontiers monumental, comme dans une Hammerklavier intimidante. On regrettera curieusement quelques résonances déplaisantes dans le dernier enregistrement de 1985.

Après Beethoven, le deuxième compositeur le mieux servi est Brahms, avant tout pour les deux concertos avec Jochum à Berlin, qui donne une réplique d’une puissance symphonique impressionnante, mais aussi les ballades de l’opus 10 au parfum de légende, ou un opus 25, avec les Amadeus somptueux, et lui aussi quasiment symphonique. Le florilège des pièces lyriques de Grieg les porte à un sommet inattendu, au-delà sans doute de ce que la musique par elle-même contient. Un beau récital Chopin, lui aussi plus impressionnant que touchant confirme cette esthétique de la grandeur propre à Gilels. Reste un superbe double album où Mozart, admirablement accompagné par Boehm et les viennois (les orchestres et leurs chefs accompagnateurs sont toujours du niveau le plus élevé) et des Schubert ultimes à quatre mains avec sa fille Elena (1948-1996) atteignent cette fois une émotion bien réelle. Superbe portrait (certes incomplet, les légendaires concertos de Tchaïkovski avec Maazel par exemple n’appartiennent pas au catalogue DGG) mais fidèle d’un musicien resté assez secret, peut-être en raison de l’époque très noire durant laquelle son art s’est développé. Même les circonstances de sa mort prématurée (une erreur médicale lors d’un contrôle de routine a toujours soutenu Richter…) ont contribué au mythe.

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