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La 9e de Mahler : adieu émouvant de l’orchestre de la SWR à Dijon

Si nous sommes tous tristes ici, ce n'est pas seulement à cause de l'impression que nous a fait cette symphonie si nostalgique qui célèbre la beauté du monde, mais c'est surtout parce que nous ne reverrons plus cette formation en quelque sorte spécialiste de l'interprétation des œuvres de . L'orchestre Baden-Baden und Freiburg vit ses derniers instants malgré sa réputation prestigieuse, et nous, les spectateurs, ressentons cela comme la fin d'un monde ; y a t-il un rapport avec le message que délivre le compositeur ? Nostalgie, quand tu nous tiens…

Günter Herbig a été à la hauteur de sa réputation pour conduire cet ensemble impressionnant par son volume mais surtout par sa ductilité. Le résultat du travail est époustouflant : cette œuvre complexe révèle son sens à la fin.
On est dérouté par sa construction qui ne ressemble à nulle autre mais on repère vite, grâce à la direction maîtrisée, les éléments qui en font l'unité. L'intervalle de seconde descendante, qui ressemble à un message de mort, disparait petit à petit alors que les différents mouvements se déroulent pour laisser place, dans le dernier, à de magnifiques envolées lyriques que les cordes nous livrent avec émotion. Le chef d'orchestre réussit à dynamiser les nuances passant de l'ultra-piano aux éclats somptueux que l'on peut obtenir avec ce genre de formation : on retiendra les crescendos subits du premier mouvement et on reste quasiment ensorcelés par le long adieu si poignant du quatrième, avec ses phrases descendantes enjolivées de gruppettos qui achèvent cette symphonie dans un pianissimo remarquable… On se demande comment il est possible, avec un tel nombre de musiciens, d'obtenir cette nuance si ténue !

On n'oublie pas la façon subtile dont s'enchaînent les petits membres de phrase que se passent les différents soli dans le premier mouvement : violon solo, flute, hautbois et cor, alors que les cordes effectuent des trilles imperceptibles… On se souvient des soli de cor bouché dans le même mouvement, on aime la rusticité appuyée des bois au début du second, on apprécie l'agression voulue de la sonorité de la clarinette qui coupe un thème apaisé dans le troisième. La précision de l'ensemble permet de comprendre l'écriture quasi-contrapuntique du troisième mouvement, qui est coupé par un beau solo de trompette annonçant un passage lyrique à souhait.

Ce qui semble évident, c'est l'engagement de tous les membres de cet orchestre, chacun apportant son énergie à construire cet édifice sonore ; et c'est ainsi que les cordes rendent bien cette sonorité pleine qui donne son sens à l'écriture du compositeur viennois.
Dans cette interprétation, on comprend que la boucle d'une vie peut se résoudre dans la paix : le début du premier mouvement, pianissimo, énonce avec peine une mélodie au timbre hésitant ; la fin du quatrième mouvement, elle, propose de rappeler quelques éléments antérieurs mais conclut avec un accord parfait qui sonne comme une réconciliation.

Crédit photographique : Gunther Herbig (c) DR / Opéra de Dijon

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