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Les visions saint-sulpiciennes de La Véronal à Chaillot

Le chorégraphe catalan revient pour la deuxième fois à Chaillot avec son collectif de danseurs . Il propose Voronia, une sulfureuse descente aux enfers, la vision décadente d'un univers très personnel.

Dès le prologue, installe sur scène un univers à l'esthétique très marquée, entre obsession de la propreté et rigorisme religieux. Sur une moquette écarlate, techniciens de surface et curés en soutane rivalisent de rigueur autour d'un enfant tout droit sorti d'un livre d'images. Pour Voronia, son nouveau spectacle, le chorégraphe a voulu faire plonger le spectateur dans les tréfonds des entrailles de la terre, en proposant sa vision vénéneuse d'un absurde et aseptisé.

Sa troupe de danseurs occupe l'espace progressivement, dans des costumes qui empruntent autant aux habits près du corps des toreros qu'aux uniformes des pensionnats religieux espagnols des années 50. Une manière d'inscrire son propos dans la société corsetée du franquisme pour mieux enfermer ses personnages. Ils sont rejoints par des figurants qui, nus ou en soutanes, complètent ces tableaux vivants.

 

Le vocabulaire déployé par est, à lui seul, un signe caractéristique de son travail chorégraphique. Il l'a même baptisé Kova. C'est un langage corporel désarticulé et anguleux, utilisé identiquement par des hommes et des femmes aux physiques acérés. Le chorégraphe ne propose pas une écriture d'ensemble, mais des solos, duos ou trios emmêlés et juxtaposés. Les danseurs, issus du classique, se fondent avec aisance dans cette gestuelle savante et contorsionnée.

Plus le spectacle avance, plus les visions décadentes et infernales se précisent : frise de statues religieuses aux drapés animés, table de la Cène sous laquelle se cache la luxure, ascenseur perpétuellement bloqué qui ne mène nulle part… Comme chez Sartre, les personnages semblent pris au piège d'un huis clos qu'ils n'ont pas choisi et l'une d'elles se bat en vain pour tenter de trouver une issue. Une mise en espace qui nous entraîne inéluctablement vers l'abîme.

Photo : © Josep Aznar

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