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A Genève, Sol Gabetta un violoncelle de soleil

Ne recherchant pas la popularité à tous prix, le chef d'orchestre canadien et l'Orchestre Philarmonique de Rotterdam se penchent sur des œuvres moins connues pour offrir un concert honnête mais sans grande brillance. illumine la scène avec un violoncelle précis et inspiré.

Avec Francesca da Rimini en ouverture de concert, l'ambiance recherchée est lancée. Est-ce bien Tchaïkovski qu'on entend ici ? Pas d'envolées mais une masse bruyante de tutti de cordes appuyées presque violemment par les trois trombones qui martèlent l'espace de leurs accords soutenus. Le familier des œuvres lyriques de Tchaïkovski n'imagine pas une telle violence chez le compositeur d'Onéguine. Il faut attendre l'apparition de l'admirable passage central de la clarinette (magnifique Bruno Bonanséa !) pour qu'enfin surgisse le compositeur qui l'année suivante créera Eugène Onéguine.

Avec le Concerto pour violoncelle n°2 de Chostakovitch, la violoncelliste voyage dans une œuvre qu'elle domine depuis de nombreuses années. Sa prestation ne souffre d'aucune faiblesse. Dès les premières mesures, on la sent patronne de la scène. Avec son coup d'archet d'une incroyable souplesse, elle exhale de son instrument une sonorité envoûtante, d'une admirable chaleur. Soudain rageuse, elle arrache le son des cordes frappées pour reprendre aussitôt sa mélopée abandonnée. Sur l'estrade, le chef offre l'orchestre en accompagnateur alors qu'on aurait peut-être voulu qu'il soit parti prenant. On assiste dès lors à un immense solo de violoncelle qui, pour superbe qu'il soit, ne s'inscrit pas dans l'œuvre. Même avec le charisme de la violoncelliste, le concerto s'achève sans que l'auditeur ne soit transporté par une quelconque émotion.

La prouesse n'ayant pas échappé au public, c'est une ovation qui salue la belle et souriante soliste. C'est alors, qu'accompagnée par les violoncellistes de l'orchestre hollandais, offre un bis aérien avec El cant dels ocells, un chant catalan traditionnel immortalisé par . Dans ces quelques trois minutes, c'est l'affirmation d'une artiste au travers du bonheur infini de la musique dans ce qu'elle a de plus beau : l'émotion. Merci Madame, vous donnez du soleil, vous avez le charme et le talent de votre art !

Enfin, la Symphonie n°7 de Prokofiev termine cette soirée qui, malgré son fil conducteur russe, n'a guère reflété la fameuse « âme russe », cette manière si particulière de mélanger la mélancolie à l'euphorie. Peut-être parce que le chef canadien reste plus attaché à l'élégance à-la-française (ce dont il ne manque pas dans sa gestuelle), cette caractéristique propre à la musique russe n'apparaît pas non plus dans cette interprétation. Si l'orchestre chante bien dans le deuxième mouvement, il faut remarquer que le reste est apparu bien scolaire et sans grand intérêt émotionnel.

Un concert somme toute bien propre, sans histoires, sans surprise, d'une honnêteté indiscutable, de quoi satisfaire la majorité mais qui manquait néanmoins de véritable fibre artistique, sauf à de rares instants.

Crédit photographique : © Uwe Arens

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