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Des pages méconnues de Taneïev et Glazounov superbement défendues

Voici un disque passionnant qui révèle des pages rares au disque comme au concert, et de surcroît dans des interprétations au-dessus de tout soupçon. Avec ce couplage Taneïev / Glazounov, le cosmopolite et signent un des disques chambristes les plus marquants de ce début d'année.

est non seulement un des violonistes les plus passionnants d'aujourd'hui, c'est aussi un chambriste émérite qui, sous bannière zurichoise, a créé son propre quatuor en 2008. Il a fait appel à des amis, tous musiciens confirmés de divers horizons : Arménie (la violoniste Anahit Kurtiyan), Roumanie (l'altiste Silvia Simonescu) ou Allemagne (le violoncelliste Claudius Hermann), qui mènent tous de brillantes carrières et qui jouent sur de prestigieux instruments. En collaboration avec le violoncelliste suisse , ils nous offrent aujourd'hui deux beaux quintettes russes à deux violoncelles composés à peu d'années de distance entre 1890 et 1900, dans la lointaine filiation de celui de Schubert.

, actif à Saint-Pétersbourg, , domicilié à Moscou, ont laissé à la postérité chacun bien des pages de musique de chambre dont d'importants corpus de quatuors. Ils gravitaient dans le cercle du mécène mélomane Mitrofan Belyaïev, véritable promoteur de la « jeune » musique de chambre russe à la fin du XIXe siècle et lui-même excellent altiste, ce qui explique la part importante réservée à l'instrument au sein d'un écrin de violons et violoncelles.

Le quintette de Taneïev opus 14 (il en existe un autre opus 16, mais à deux altos) n'est pas sans évoquer par la rigueur de son plan et d'écriture un certain germanisme : la structure, la thématique cyclique, le côté touffu de la polyphonie, le chromatisme étonnant de l'allegro initial, l'ampleur du thème et variations final – avec en prime une fugue à trois sujets – semblent presque le fait d'un alter ego russe de Max Reger, même si le vivace con fuoco et la courte citation extraite du Sadko de Rimski Korsakov dans les ultimes mesures rappellent la filiation slave. L'opus 39 de Glazounov tout aussi rigoureux mais plus amène et lyrique se situe plus dans la filiation de Tchaïkovski et laisse place à une efflorescence harmonique par moments très française et à un lyrisme plus à fleur de peau.

Les interprétations du en compagnie de nous semblent idéales. Le naturel de ces interprétations nous fait presque oublier, partitions en main, l'observation quasi maniaque des moindres détails d'écriture, nuances ou phrasés au sein de ces partitions très « écrites ». L'intégration du second violoncelle à la pâte sonore est parfaite – par exemple dans le duo de violoncelles de la variation 6 du final du Taneïev. Le sentiment de longueurs que suscitent d'autres interprétations très récentes du quintette de Taneïev (les musiciens réunis autour du quatuor Martinu chez Supraphon, ou autour du quatuor d'Utrecht ches MDG) n'apparaît pas ici. De même le sens du cantabile et un legato sans afféterie nous valent un quintette de Glazounov de haute volée, s'imposant sans peine face à la version bien plus timorée du Fine Arts Quartett (Naxos), a priori seule autre version actuellement disponible. Il faut rendre aussi justice à la somptueuse prise de son BIS, dans une acoustique globale très chatoyante ; aucune intention ne nous échappe, de la franchise des attaques à la douceur des passages con sordino et… jusqu'à la respiration des artistes !

Pour mieux connaître la musique de chambre russe au tournant du siècle, ce disque constitue une idéale entrée en matière. Concernant Taneïev, il rejoint l'enregistrement du quintette avec piano opus 30 par des musiciens réunis autour de Vadim Repin (DGG) dont… un certain au second violon ! Bon sang ne saurait mentir.

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