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Pathé-Marconi à Chatou, une usine partie en fumée

Plusieurs ouvrages ont déjà été consacrés aux frères Charles et , mais celui sous rubrique se concentre surtout sur l'usine Pathé-Marconi à Chatou, et se démarque par une remarquable précision dans l'évocation de cette épopée du disque français. C'est à (1860-1937) que furent attribuées les destinées du disque, tandis que (1863-1957) s'occupa du cinématographe.

Sans remonter aux 78 tours français La Voix de son Maître, Columbia ou Pathé ayant notamment servi de support à l'Âge d'Or de la chanson française, qui ayant connu le vinyle n'avait-il pas au moins un microsillon Pathé-Marconi dans sa discothèque, dans l'une ou l'autre série Plaisir Musical, Moment Musical ou les luxueux Cadres Rouges ? Un Catalogue Général datant de 1956 des Industries Musicales et Électriques Pathé-Marconi et comprenant les labels La Voix de son Maître – Columbia – Pathé – Pathé-Vox – Capitol – Cetra-Soria – Témoignages – M.G.M, ne totalisait pas moins de 873 pages de références discographiques !… C'est tout dire de l'importance de EMI France, et surtout de l'usine Pathé-Marconi à Chatou.

Et pourtant, cette importante usine Pathé-Marconi à Chatou, magnifique et incomparable fleuron de l'histoire de la musique enregistrée, certains de nos décideurs politiques ont décrété purement et simplement de la balayer – au propre comme au figuré – d'un geste de la main, sans tenir compte d'une succession de pétitions de l'association Chatou Notre Ville, de 1999 à 2004, soutenues par des personnalités des plus prestigieuses, musicales et autres, et destinées à préserver, au moins partiellement, l'unique exemple en France d'usine Art Déco construite de 1929 à 1931 sur les plans des architectes anglais les plus célèbres de ce style : Wallis, Gilbert et Partners. Peine perdue en novembre 2004, nos politiques ayant apparemment préféré l'image supposée plus respectable de Chatou « ville des impressionnistes » que celle d'une industrie ayant fait vivre des milliers de salariés !…

Avec cet ouvrage passionnant soutenu par la Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, l'auteur , du Centre d'histoire des techniques à l'Université Paris Panthéon-Sorbonne, nous propose une étude très pointue des événements et une réflexion sur les mobiles qui ont conduit à ce gâchis. D'abord dans le chapitre Une Histoire du Son enregistré, il nous décrit de façon très précise et correcte l'évolution de la technique de l'enregistrement sonore jusqu'au téléchargement numérique et la crise actuelle du disque ; puis dans celui consacré à L'Épopée Pathé, se déroule l'histoire de l'empire Pathé, depuis la première société Pathé Frères créée en septembre 1896, jusqu'au leadership et la fermeture (1945-1992) de Pathé-Marconi. Le chapitre Un Scénario déjà écrit traite de la ville de Chatou dans ses généralités, ensuite de la fermeture des usines Pathé-Marconi et l'arasement des bâtiments (1992-2004) ; enfin dans celui intitulé Un Exemple topique pour le Patrimoine industriel, l'auteur développe la mémoire à défendre en 2004 à Chatou, y oppose les exemples positifs de The EMI Group Archive Trust sur le site des anciennes usines à Hayes en Angleterre, des usines Berliner Gram-o-phone (RCA Victor) à Montréal, ou du Thomas Edison National Historical Park au Llewellyn Park, West Orange, New Jersey, USA, et pose la question de savoir quels sont les enseignements à tirer de l'occasion manquée à Chatou.

Signalons un autre ouvrage traitant du même sujet par , historien et président de l'association Chatou Notre Ville : Chatou, une page de gloire dans l'industrie, livre-disque proposé par cette même association, et qu'il serait particulièrement intéressant de comparer à cette édition des Classiques Garnier.

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