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Frédéric Chiu, la Russie avant tout

La Salle Cortot accueille le pianiste , pour un concert en forme de parcours dans sa géographie personnelle et artistique, depuis la France de Debussy et la Chine du compositeur contemporain , jusqu'à la Russie de Prokofiev.

C'est ainsi du moins que le présente le pianiste, s'adressant au public avec une simplicité que favorise l'intimité de la charmante salle, mais aussi un certain didactisme. Heureusement ces interventions généreuses et rafraîchissantes sont progressivement plus espacées au fil du concert, laissant la place à une écoute concentrée. Il rappelle ainsi l'importance de la musique asiatique dans la réinvention de l'écriture du piano par Debussy et dans l'émergence de cette musique française parfois dite impressionniste. Il justifie son choix de la musique de , compositeur né dans le Sichuan, mais actif aux États-Unis, qui se place dans cet héritage, ses Distant Voices étant comme un prolongement d'Images de Debussy. Il fait également référence à la Russie soviétique ou à Chostakovich, avec un certain humour qui n'a pas manqué de toucher le public, dans Deux chansons d'amour pour pianiste vocalisant. L'interprète sifflote, vocalise, souffle bien, en effet. Serait-ce une légère parodie des pianistes qui se laissent parfois aller à ce petit travers ?

Au piano, il adopte un style déroutant dans Debussy quoiqu'assez beau à regarder. Quand notre oreille s'attend à une musique flottante et poétique, elle est abordée avec un sens du rythme évoquant presque le jazz, un jeu assez viril, probablement marqué par son expérience de la musique russe et de Prokofiev, donnant lieu à des attaques  et staccatos vifs, avec finalement peu de pédale. Et en effet la musique de Prokofiev, dont le pianiste a enregistré l'intégrale remarquée pour piano seul il y a quelques années, est apparue comme le sommet du concert, saisissante et puissante. De la partition difficile de la Sonate n° 7, il transmet avec une aisance remarquable la nervosité et la violence de l'allegro, le sentimentalisme de l'andante, et la folie du precipitato, avec ses mesures à 7 temps, ses motifs obsessionnels et son déchaînement final. Pour reprendre les termes de , c'est bien une sonate de guerre au sens littéral, mais aussi une lutte intime entre sa première période « d'enfant terrible » et sa troisième période de compositeur populaire.

n'est pas avare de bis avec Chant des saillies de Georges Gurdjieff (1866-1949), compositeur arménien ésotérique, Mad Rush de Philip Glass et une transcription personnelle de Troïka de Prokofiev.

Crédit photographique © Frederic Chiu

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