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Anna Netrebko, soprano vériste sans peur

« Un soffio è la mia voce, che al nuovo di morrà ». Ecoutez cette ultime phrase de Adriana Lecouvreur de ce nouvel album d'. Whaou ! Si la manière avec laquelle elle chante ces ultimes mesures ne vous donnent pas la chair de poule, c'est à désespérer de votre sensibilité au chant. Depuis , la référence du rôle, personne n'avait chanté cet air avec autant d'implication artistique.

Jusqu'ici votre serviteur s'attardait avec une certaine (et souvent réelle) admiration sur la voix exceptionnelle de la diva russe. Sur son incontestable santé vocale qui lui permet tous les répertoires. Tous ? Sans doute mais cependant avec un certain manque de perspicacité interprétative qui lui fait souvent tout chanter sur un ton identique. Et parce que a toujours manqué d'agilité vocale, ses personnages ont fréquemment pris des allures trop pesantes. Mais, comme le veut le marché, la notoriété de la personne, ses commanditaires, on a fait de cette soprano une verdienne, une bellinienne qu'elle n'a jusqu'à aujourd'hui que difficilement été.

Jusqu'à ce qu'elle trouve la voie du vérisme. La voie et la voix. Et cet album en est une parfaite illustration. Parce qu'en plus de son insolente facilité vocale, fait partie de ces êtres qui n'ont peur de rien. N'importe quelle interprète vous le dira, il est des passages techniques d'une partition que le public, le chef d'orchestre, le soliste même voient approcher avec angoisse. Une peur de rater LA note que tous connaissent (cette fameuse note qu'attendent tant et tant de faux amateurs d'opéra, prêts à juger une soprano sur cette seule note !) C'est l'aigu pianissimo de Voce d'angelo de la Gioconda de Ponchielli, celui du Libera me du Requiem de Verdi, et tant d'autres. Avec son audace, Anna Netrebko fonce sans peur. Et ça marche !

Dans le DVD qui complète cet album, la camera s'est attardée sur trois airs qu'on retrouve dans le disque mais chantés lors d'un concert au Suntory Hall de Tokyo en mars de cette année. Dans Adriana Lecouvreur (moins bien réussi que celui du CD !), on voit que la soprano russe ne prépare d'aucune façon la dernière note pianissimo de l'aria. Chanter ce souffle de voix, puis enfler le …morrà jusqu'au fortissimo le plus puissant ne lui pose aucun problème. C'est totalement déroutant !

Très beaux aussi les airs de Liù de la Turandot de Puccini, ainsi que ce lumineux L'altra notte in fondo al mare de Mefistofele d'Arrigo Boïto. La discographie de ces airs est si abondante qu'il reste difficile de ne pas faire des comparaisons. Ainsi, en cherchant la petite bête, on pourrait avoir quelques réserves sur certaines plages quand la soprano russe donnant toute la puissance de ses graves laisse apparaître un vibrato tendant (déjà ?) à s'amplifier.

Pour autant ne boudons pas notre plaisir et donnons à cet enregistrement les meilleures notes possibles. D'autant plus que la direction d'orchestre d' est des plus remarquables.

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