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Lucas Debargue dans le Deuxième concerto pour piano de Beethoven

Si aborde encore très peu de concertos pour piano, c'est certainement à cause de sa formation atypique et tardive. Au n° 24 de Mozart, au n° 2 de Liszt, au n° 4 de Rachmaninov, à celui en sol de Ravel, et à quelques autres joués en privé, il ajoute aujourd'hui le n° 2 de Beethoven.

Dans la première partie, on a entendu La Prière de , compositeur, organiste et chef d'orchestre russe, fondateur, en 1968, de l'. Elle est dédiée à (1872-1956), compositeur prolifique de musique sacrée en Italie. La pièce navigue entre les harmonies classiques et des dissonances organisées. L'orchestre, uniquement à cordes dans cette première partie, n'est pas encore bien « chauffé » et les instruments ne sont pas accordés de manière homogène ; la sonorité de l'ensemble est crue et brute, si bien qu'on peut presque distinguer chaque corde. Les dissonances de La Prière auraient été plus sereines s'il y avait eu une belle unité sonore. Cette discorde — l'expression est littérale — persiste dans la Sérénade pour cordes, magnifique composition qui témoigne à notre sens de tout un savoir-faire du compositeur. Malgré quelques phrasés élégants initiés par le chef , notamment dans l'« Elegia », l'interprétation reste assez plate, sans réel point culminant, y compris à la reprise du premier thème tout à la fin du quatrième mouvement où on attend généralement une grande tension. Au contraire, le sentiment de précipitation est ressenti tout au long de l'œuvre.

Après l'entracte, apparaît, en héros de la soirée. On reconnaît quelques Russes qui n'ont pas perdu leur enthousiasme depuis le « choc » provoqué par le pianiste à Moscou, en juillet 2015 (4e Prix du concours Tchaïkovski et Prix spécial de la critique). L'orchestre élargit son effectif avec quelques vents qui s'avèrent excellents, et retrouve quelque peu un équilibre, encore fragile, entre les instruments. fait courir ses doigts sur le clavier avec une certaine légèreté, dans une sonorité très claire mais un peu nerveuse. Le dialogue avec l'orchestre n'est pas pleinement épanoui, mais on savoure la vivacité dans l'« Allegro con brio », la beauté du son dans le deuxième mouvement et de petites « surprises » étincelantes, comme un silence intentionnellement long, où il retient son souffle comme pour chercher ce qui cache derrière les notes, entre deux séquences pourtant assez banales. Mais les effets créés ainsi semblent bien naturels chez lui, c'est ce que ses admirateurs appelleront « des grains de génie » ; et c'est tant mieux, vraiment, car il a ces inspirations et ces imaginations qui lui sont uniques.

Il donne deux bis, une Grande Valse Brillante de Chopin pour laquelle il peine à fournir une structure ordonnée, et une improvisation du jazz dans laquelle il joue au gré de son inspiration, sans se préoccuper d'une… structure ordonnée.

Crédit Photographique © Felix Broede/Sony Classical

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