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Les journées de musiques anciennes de Vanves sans tabous

L'ensemble s'est spécialement distingué lors de la 7e édition des journées de musiques anciennes à Vanves. Autour de chants carnavalesques et frottoles italiennes du XVe et XVIe siècles, leur « repas de la mariée » s'est révélé particulièrement gourmand, dévoilant une Italie en apparence pieuse qui frôle en vérité avec l'érotisme et des transgressions à peine dissimulées.  

En trois jours, ce ne sont pas moins de cinq concerts, un salon de lutherie (l'un des plus grands d'Europe), un colloque de musicologie, des ateliers de découverte, des master-classes, des sessions musicales dans les cafés et le premier concours international dédié aux répertoires du Moyen Âge et de la Renaissance (grande nouveauté de cette septième édition) qui sont proposés aux Journées de musiques anciennes à Vanves, tout cela autour d'une problématique : « les tabous d'hier peuvent-ils nous aider à prendre conscience de ceux de notre société d'aujourd'hui ? »

Dans l'Ode, le nouveau conservatoire de la ville, l'ensemble médiéval italien a choisi de mettre en avant l'érotisme et la transgression cachés dans les chants carnavalesques et les frottoles italiennes des XVe et XVIe siècles. C'est avec humour et un brin d'impertinence que chaque spectateur est invité au « repas de la mariée » afin de découvrir notamment une surprenante recette médiévale pour faire des lasagnes, De mia farina fo le mie lasagne (Archivio di stato 184 Mncini Codex), une chanson fantasque sur le repas que la mariée va manger durant la nuit de noces, Che mangerà la sposa ? une fagiana grigia (à prendre évidemment au second degré), ou bien encore plusieurs danses exécutées dans tous les banquets de la Renaissance comme prétexte à la parodie et donnant lieu à la représentation symbolique d'un monde exotique tournant autour du jeu, de l'amour, de la guerre et de la dérision du pouvoir.

C'est avec constamment le sourire aux lèvres que nous goûtons à la douce complicité et aux généreuses polyphonies vocales de , fondatrice du groupe, du Cantore al liuto Simone Sorini particulièrement juste pour retranscrire les caractéristiques de cette figure particulière de musicien dont nous avons presque totalement perdu la trace aujourd'hui, et du baryton percussionniste Enea Sorini d'une parfaite sobriété. Leurs interventions comme dans la chanson de filles à marier en début de concert (Le son tre fantinelle tutte e tre da maritare), ou a capella dans la frottole Una vecchia sempiternosa (une vieille pleine de puanteurs insupportables !), rythment la soirée. Le trio est bien entouré par Leah Stuttard dont le jeu sur sa harpe avec harpions paraît étonnamment moderne grâce à des accents et une dynamique bien singuliers ; par Gabriele Miracle, discret mais efficace au dulcimer tout comme son acolyte Gabriele Russo à la vièle et au rebec, et enfin par Goffredo Degli Esposti qui donne avec sa cornemuse et sa flûte une saveur sonore incontournable pour rendre la soirée variée et riche. La simplicité des pièces, chacune évitant la complexité du contrepoint au profit d'un style déclamatif sur une mélodie linéaire agrémentée de rythmes clairs et répétitifs, permet de rendre la réception de cette musique immédiate à tous.

La première partie du concert a donné l'occasion de mettre en lumière quatre étudiantes du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. Le répertoire vocal et instrumental composé spécialement pour les dames de Ferrare à la Cour du Duc Alfonso II à la fin du XVIe siècle et interprété par ces jeunes femmes, sont de jolies mignardises pour ouvrir l'appétit, et Alice Duport Percier exécutant parfaitement de riches mélismes et se démarquant particulièrement à travers une Toccata de Kapsberger d'une agréable virtuosité à l'archiluth dont la taille et l'accord « rentrant » rendent habituellement difficile l'exécution d'un répertoire solo.

Photo : © R. Vaccai

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