Pour ce deuxième rendez-vous à l'Espace Pierre Cardin, c'est un concert monographique dévoilant l'univers sonore de Pierre-Yves Macé que propose le Festival d'Automne. Dans ce récital un brin singulier, chaque voix que le pianiste Denis Chouillet accompagne est pré-enregistrée et nous parvient d'un unique haut-parleur, en lieu et place du ou de la chanteuse.
Song Recycle (2010), sorti en 2012 sous le label Brocoli, est à la fois un cycle de chansons accompagnées au piano et un recueil d'objets trouvés puisque les voix provenant d'interprètes amateurs ont été prélevées sur You Tube puis traitées et formatées par le compositeur à sa convenance. L'enregistrement low-tech de ces voix nues n'exclut ni les bruits de fond ni les sons parasites participant au « sfumato » de la captation. L'idée de Pierre-Yves Macé, qui fut lui-même au clavier en 2012 dans la première mouture du projet, a été d'écrire une partie de piano autour de chacune des chansons : en leur donnant un cadre harmonique, en en soulignant les cernes rythmiques ou en les augmentant parfois de commentaires plus expansifs. D'une réactivité exemplaire sur le clavier, Denis Chouillet s'aventure également dans les cordes du piano, pour chercher une résonance ou une matière bruitée plus en phase avec un grain de voix ou la courbure d'une mélodie, chaque numéro ayant son groove et sa couleur propres. L'écriture pianistique y est fouillée, inventive et émaillée d'humour, préservant la spontanéité du geste improvisé qui fut à l'origine de l'écriture. Mais l'œuvre comme le concert restent un work in progress : « je précise – c'est Denis Chouillet qui parle – qu'aucun des concerts que nous avons donnés jusqu'à présent n'a été identique au précédent […]». Œuvre ouverte appelée donc à s'agrandir, Song Recycle ménage des interstices où se logent aujourd'hui dix Miniatures. Ce sont de courtes séquences électroacoustiques en quatre pistes (Macé est aux manettes durant le concert) qui relient finement les parties chantées. Elles sollicitent un dispositif de projection plus sophistiqué. « Musique promenade » aurait dit Luc Ferrari, faite de matériaux hétérogènes et d'éléments fugaces qui ouvrent sur d'autres espaces d'écoute.
En préambule, Denis Chouillet jouait Accords et Accrocs, une pièce solo de Pierre-Yves Macé écrite en 2015. Cette trajectoire sonore vertigineuse d'une dizaine de minutes met à l'œuvre la variété du geste instrumental comme la pluralité des sources du compositeur-improvisateur qu'est Macé : du rock progressif (une certaine tension rythmique sous-jacente) au piano de Ravel – cette note pédale obsédante qui sous-tend un des moments de la partition. Denis Chouillet en restitue toutes les facettes avec ce geste rhapsode qui libère tout à la fois l'énergie du son et la résonance d'un piano investi dans tous ses registres.
Crédits photo : © Vincent Pontet