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Autour des Amants magnifiques, le Roi danse de nouveau à l’Opéra de Massy

Le « trio infernal » Tavernier-Niquet-Massé, habitué à travailler ensemble depuis de nombreuses années, a de nouveau brillé avec la nouvelle production des Malins Plaisirs présentée à l'Opéra de Massy.

Cette création peut être considérée comme un événement important dans l'univers de la musique baroque puisque Les Amants Magnifiques n'avaient quasiment jamais été rejoués en intégralité depuis près de trois cents ans, exception faite des représentations en 1989 au Théâtre de l'Athénée. Légère, fantasque tout autant qu'impertinente, cette comédie-ballet se révèle être un joyau du genre.

C'est à se demander pourquoi certaines œuvres lyriques ne font aujourd'hui plus partie du répertoire ! Alors que la partition de Lully est d'une richesse infinie, de son côté, Molière traite dans cette comédie-ballet presque de l'intégralité des thèmes qui lui sont chers, et en particulier celui de l'hypocrisie et du pouvoir abusif. C'est aussi une critique acerbe de l'astrologie à travers Clitidas pour qui son interprète Pierre-Guy Cluzeau se délecte de sa fourberie et de son cynisme avec un plaisir évident. Conforme à la demande du Roi, ce spectacle de cour recèle tout ce que les arts de la scène peuvent fournir – soit la musique, la danse et le théâtre -, par le biais desquels Molière et Lully déploient un véritable parcours initiatique dont les six intermèdes sont les étapes.

Pleinement investi comme à son habitude dans le processus de création, Louis XIV avait choisi l'intrigue de cette pièce en mettant en scène deux princes rivaux, Iphicrate et Timoclès, qui dans la vallée de Tempé où l'on doit célébrer les jeux pythiens, rivalisent pour conquérir la princesse Erphile, mais aussi sa mère Aristione. Amoureuse en réalité de Sostrate, général d'armée sans titre qui l'aime en retour, la jeune princesse pourra épouser celui pour qui elle est éprise, après que le jeune homme ait sauver sa mère de l'attaque d'un féroce sanglier. Cette comédie-ballet a été représentée à l'occasion du carnaval de février 1670 au cours du Divertissement royal dont nous pouvons en savourer les attraits actuellement au château de Versailles.

Le divertissement marin donne une première occasion aux 19 instrumentistes du Concert spirituel de jouer dans toute leur puissance et leur superbe via une diversité notable de couleurs sonores. La direction fougueuse d' révèle un soucis manifeste de l'effet sonore d'ensemble mais aussi d'un intérêt certain de la précision du détail. Les pupitres des vents se révèlent tout au long de la soirée particulièrement brillants, notamment Héloïse Gaillard et Luc Marchal à la flûte et au hautbois, mais aussi Jean-Baptiste Lapierre qui excelle à la trompette dans plusieurs passages d'une grande virtuosité. Le solo de au théorbe est un moment singulier fabuleusement poétique alors que Laurent Sauron n'aura pas le temps de souffler une seconde avec ses percussions. Visuellement, l'esprit fantasque y est clairement affirmé dès le départ, même si nous regretterons une mise en scène un brin enfantine pour ce premier tableau où les poissons-marionnettes ne sauront égaler ceux de Carole Allemand et Valérie Lesort présentés en 2015 à la Comédie Française (20 000 lieues sous les mers, adaptation et mise en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort). Cette réserve sera vite oubliée dès La Pastorale où le jeu de transparences et de lumières au niveau des décors (la forêt se compose de grands voiles, la grotte est un simple tulle blanc) se révélera d'une finesse exemplaire.

Malgré un petit manque de rythme et quelques longueurs dans la comédie qui s'atténueront à coup sûr au fur et à mesure des représentations – nous étions à la première -, La Pastorale au centre de l'ouvrage qui contraste avec le divertissement marin et celui des jeux pythiens, attire par la variété des rôles chantés et par un continuo extrêmement riche et coloré mené par le violoncelle, la viole, le clavecin et le théorbe. La fraîcheur des neuf jeunes solistes apporte une sensibilité « vraie » et une douce poésie. Comme il est agréable de voir évoluer une distribution totalement homogène où chacun se révèle sans surpasser l'autre !

Mais avec pas moins de vingt-trois danses, ce sera bien le talent des danseurs de la compagnie L'éventail et de sa chorégraphe qui porteront à bout de bras la fantaisie et le merveilleux de cette comédie-ballet. Dans de sublimes costumes dignes des plus grandes maisons parisiennes de haute couture, la danse baroque que nous aimons tant, est magnifiée par une parfaite symétrie des parcours, régie par les notions d'ordre et d'équilibre. L'apothéose sera le splendide tableau final où le spectateur du XXIe siècle verra réapparaître Louis XIV lui-même en Apollon (la première représentation des Amants magnifiques en 1670 était aussi les adieux à la scène du Roi), dansant les bras ouverts et les mains gracieusement levées, soulignant ainsi l'équilibre dont il se voulait l'emblème absolu. Apollon, dieu du soleil et des arts, a brillé de mille feux, ce soir, à l'Opéra de Massy.

Crédits photographiques : Les Amants magnifiques ©

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