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Lucy Guérin en noir et blanc dans Motion Picture

L’Australienne Lucy Guérin propose avec Motion Picture une plongée distanciée et conceptuelle au cœur d’un film noir américain des années 1950, D.O.A. Entre cinéma et danse, elle y déploie toutes les nuances du gris.

Un homme a été empoisonné. Un poison qui agit lentement mais inexorablement. Avant de mourir, il se rend à la police criminelle pour témoigner de la traque qu’il a menée afin d’identifier ses assassins. Sur cette trame de polar, celui de D.O.A, un classique du film noir américain signé Rudolph Maté, la chorégraphe australienne Lucy Guérin propose un spectacle stylisé et savant. En regard du film, projeté au fond de la salle, derrière les spectateurs et en hauteur sur les côtés, elle met en scène ses six danseurs vêtus de chemise blanche et pantalon sobre pour les hommes, robes dans toutes les nuances de gris pour les femmes.

La durée du spectacle est celle du film, 1h25. Il commence avec le générique pour s’achever sur le mot Fin. Ce parti-pris narratif n’est pas le moins surprenant. Dans un premier temps et à plusieurs moments du spectacle, les danseurs s’immiscent dans les gestes et les paroles des personnages, reproduisant jusqu’au mouvement de leurs lèvres. On a alors le choix de suivre l’action à l’écran ou sur la scène. Un double plaisir qu’il est préférable de réserver aux anglophones, le film n’étant pas doublé !

Mais peu à peu, la chorégraphe s’affranchit de la pure reproduction du film pour proposer un regard distancié sur les angles de vue, les champs/contre-champs, l’utilisation du mouvement dans le film ou le ballet des personnages. La danse déploie alors toute ses possibilités visuelles et graphiques. Elle prend la place du personnage principal dont la perception est brouillée au fur et à mesure que le poison fait effet dans son organisme. Le vertige saisit alors le spectateur…

Avec une gestuelle millimétrée et des danseurs au cordeau, la chorégraphie prend dès lors son indépendance par rapport au film. Elle devient un film dans le film, offrant une nouvelle lecture de l’intrigue et des enjeux narratifs. La scénographie soignée et le remarquable travail de lumière de Benjamin Cisterne contribuent grandement à créer cette nouvelle illusion. De surcroît, l’atmosphère noire y est modernisée, tout en maintenant le suspense et l’inéluctable progression vers la mort à l’arrivée (Death on Arrival, titre du film) du personnage principal. Malgré quelques longueurs (dues au film), le résultat est saisissant…

Pour Lucy Guérin, qui a signé en février 2016 une création tout aussi conceptuelle pour le Ballet de l’Opéra de Lyon, l’essai est transformé.

Crédits photographiques : © Sarah Walker

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