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Nancy présente un Matrimonio Segreto de pur burlesque

Reprise à Nancy d'un Mariage Secret, dans la mise en scène bien rodée de l'Allemande .

Bien que créé à Vienne en 1792, Le Mariage Secret de demeure un des plus parfaits exemples de l'opéra bouffe napolitain. Énorme triomphe dès sa première représentation, puisqu'il fut intégralement bissé à la demande de l'empereur Léopold II, repris dans toute l'Europe dans les années qui suivirent, il s'est fait plus rare de nos jours, mais n'est pas pour autant tombé dans l'oubli. L'Opéra national de Lorraine le remonte et, à cette fin, a fait venir la production de Cordula Daüper depuis Zurich, où elle a connu plusieurs séries de représentations avec un succès toujours renouvelé.

L'astucieux et très abouti décor de Ralph Zeger figure une maisonnette quasiment de poupée avec de multiples pièces et escaliers vus en coupe et dont la rotation permet de varier les angles de vue et de suivre les protagonistes dans leurs déplacements. Les tons acidulés (rose bonbon, vert pomme, jaune citron) du décor et des costumes, leur caractère infantile et grotesque, les perruques ébouriffées, les nœuds dans les cheveux des dames, tout concourt à créer un univers burlesque proche de la bande dessinée. joue avec virtuosité de ce dispositif pour assurer avec fluidité et logique les multiples entrées et sorties ainsi que la composition progressive des ensembles. Faisant confiance aux qualités théâtrales du livret de Giovanni Bertati, elle en suit avec précision les péripéties, rebondissements et quiproquos sans en appesantir le comique de situation, se contentant d'y rajouter quelques gags visuels toujours légers et bien sentis. Cette « folle journée » file ainsi à cent à l'heure sans temps mort dans cette mise en scène à la mécanique parfaitement huilée.

Musicalement, la partition de Cimarosa offre une sorte de pont entre Mozart (les deux accords répétés de l'ouverture citent ostensiblement La Flûte Enchantée créée également à Vienne à peine quatre mois plus tôt), mais dont il n'a certes pas les qualités d'approfondissement psychologique ni le génie, et Rossini, qu'annoncent déjà le duo entre Geronimo et le Conte qui ouvre le second acte, ainsi que maints moments de chant syllabique. Comme dans la commedia dell'arte, les personnages ne sont que des stéréotypes sans grande profondeur et aux interactions parfaitement codifiées. L'univers bouffe dans toute sa pureté et sa naïveté…


Toute la distribution joue à fond la carte du comique un brin déjanté tout en assurant avec talent et probité le côté musical. est ainsi un chef de maisonnée totalement dépassé par les événements et aux mimiques expressives et hilarantes. campe une Carolina de haut relief, à la voix piquante et suffisamment souple pour des vocalises et trilles parfaitement exécutés. Dans le rôle de sa sœur Elisetta, Mariana Savastano, à la voix acidulée, sait se rendre idéalement insupportable de puérilité et de fatuité. est drôlissime en Fidalma mûre mais encore tiraillée par le désir, avec des graves aussi plantureux que sa silhouette. Dans le rôle du jeune premier Paolino, fait valoir un timbre suave quoiqu'un peu nasal de ténor lyrique voire léger doté cependant d'une puissance et d'une projection remarquables. Quant à , il offre au Comte une indéniable élégance et une exemplaire musicalité.

L' se donne lui aussi à fond pour apporter rythme et vivacité à la scène. À sa tête, insuffle une belle énergie tout en obtenant une parfaite mise en place des ensembles, ce qui, avec l'agitation permanente du plateau, n'allait pas de soi. Enfin, de son pianoforte, assure le continuo avec style et une imagination non dénuée d'humour quand il cite divers compositeurs de Mozart à Offenbach.

Crédits photographiques : (Geronimo), (Carolina) / (Carolina), (Fidalma), (Elisetta) © Opéra national de Lorraine

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