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Les Grands Ballets canadiens de Montréal à Chaillot

Le chorégraphe allemand a créé pour les de Montréal La Jeune fille et la mort, un ballet contemporain abstrait, qui traite d'une peur partagée : l'angoisse de la mort. Malgré de très beaux passages et une danse poignante, l'ensemble souffre néanmoins  d'un manque de cohérence.

Le thème est ambitieux : répondre à une angoisse existentielle, la peur de la mort, horizon indépassable de notre existence. le traite sans noirceur ni désespoir mais plutôt en tentant de réconcilier la mort et la vie et en mettant l'accent sur le continuum entre elles. Le parti pris est résolument de dominer cette angoisse de la mort pour vivre avec plus d'intensité et de liberté : « Le moment n'est pas venu de mourir mais plutôt de vivre, et vivre avec passion, d'aimer et de danser, tantôt avec la mort, tantôt sans elle », explique .

Le titre de l'œuvre semble être une réponse au Jeune homme et la mort de Roland Petit. Pourtant le traitement est très différent et la référence n'est pas explicitement revendiquée par le chorégraphe. Beaucoup moins ramassé et dense, le ballet de Thoss ne se conçoit pas comme un huis clos entre la jeune fille et la mort. Il introduit de multiples personnages (pas moins de 26 danseurs sont sur scène), avec notamment la personnification des quatre éléments. Ainsi, la jeune fille qui apparaît au début et se révèle le personnage éponyme du ballet, n'est en réalité que l'un des éléments – l'eau. Comme des doubles, apparaitront des couples évoquant l'air, la terre et le feu, reconnaissables à leurs costumes de couleur (pas toujours très seyants !).

Le début de la pièce est captivant, sombre dans le tout premier tableau, puis lumineux et intense quand la jeune fille danse en duo avec la mort. Les duos, rapides, ciselés, précis, sont très beaux et intenses.

L'arrivée progressive d'autres danseurs vêtus de noir – les ombres – brouille un peu le propos ; on ne sait plus qui est la mort, qui sont ses acolytes et que représentent les autres danseurs. Les tableaux se succèdent avec les duos incarnant les différents éléments naturels. On notera la grande qualité du travail des danseurs des ballets canadiens de Montréal : ils dansent avec fluidité, expressivité, précision et énergie. Mais les duos finissent par se ressembler et l'attention se détourne du propos.

La pièce n'est pourtant pas dépourvue d'idées intéressantes. L'idée du passage entre la vie et la mort est évoquée par des cadres posés sur scène et qui forment comme autant de portes vers l'au-delà. Des personnages en noir traversent la scène, chacun une valise à la main, puis empilent ces valises pour élever un mur. Ce mur peut signifier la ligne de démarcation entre la vie et la mort, susceptible de se briser à tout moment comme le suggère ce personnage qui frappe le mur et fait tomber les blocs qui le constituent.

La scène finale est également très belle. On retrouve la jeune fille du début, interprétée par la lumineuse , en duo avec la mort. Dans une atmosphère apaisée, comme lorsque l'on retrouve un vieil ami après une longue absence, la mort tend la main à la jeune fille. Celle-ci ne la saisit pas, semble se détourner. Mais c'est pour finalement sauter dans les bras de la mort, comme une enfant qui s'abandonne et s'endort dans des bras rassurants. La dernière image est celle d'une autre jeune fille, vêtue d'une robe verte, qui s'assied sur sa valise au centre de la scène, la tête appuyée sur ses mains, un sourire rêveur aux lèvres. Comme si tout ce jeu avec la mort n'avait été que le fruit d'un rêve ou comme si Stephan Thoss voulait apaiser son angoisse en rappelant que la mort n'est en réalité qu'un voyage.

Malgré une thématique riche, de l'inventivité, de beaux duos servis par des danseurs de grande qualité, l'ensemble n'en reste pas moins décevant, car l'envie d'en faire trop a conduit le chorégraphe à diluer son propos, à multiplier les personnages et les effets, au détriment de la cohérence et de la simplicité.

Crédits photographiques: © Damian Siqueiros – Zetaproduction

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