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Programme de Lettres Intimes par le Quatuor Voce

En concert récemment pour promouvoir cet album, les musiciens du ont souhaité lier trois œuvres de la première moitié du XXe siècle regroupées sous un même titre : « Lettres Intimes ». Si ce nom est celui même du Quatuor n° 2 de Janáček clôturant ce CD, la relation avec le Quatuor n° 1 de Bartók semble moins évidente, et celle avec les Cinq Pièces de Schulhoff encore moins justifiée.

Sans grande importance sur le fait que cela respecte ou non un programme précis, jugeons donc les interprétations chacune indépendamment, en commençant par celle du Quatuor op.7, véritable première pièce composée par Bartók. Le Lento débute sans excès de pathos dans les sonorités froides d'une fugue très certainement influencée par l'aînée Beethoven. S'en démarque déjà le premier violon et surtout le violoncelle, particulièrement beau lors de son intervention à partir de 5'44. L'Allegretto très bien travaillé sur la seconde partie aura tout de même du mal à faire penser aux déchirements amoureux du jeune compositeur hongrois, et manque d'accroche dans les pizzicati du violoncelle de Lydia Shelley, en revanche à nouveau intéressante dans la chaleur du premier solo de l'Allegro Vivace, ce finale manquant toutefois encore de gravité et de tension, comme on l'entend autour de 4', là où les Alban Berg (EMI/Warner), les Vegh (Praga), les Juillard (Sony) et surtout le Quatuor Hongrois (DG) avaient déjà toute la maturité pour appuyer ces partitions lors de leurs enregistrements.

Plus rares, les pièces de Schulhoff conviennent également mieux à la souplesse et à l'esprit léger des jeunes musiciens du . La première valse viennoise montre particulièrement la capacité de l'ensemble à tenir un rythme sans jamais se décaler, et fait ressortir le son d'alto de Guillaume Becker. Alla Serenata amuse dans les pizz bien cadencés du violoncelle, cette pièce rappelant au passage les danses orientales revisitées par des compositeurs légèrement antérieurs à Schulhoff. Alla Czeza est une polka dans le style des pièces populaires retravaillées par Bartók ; Alla Tango milonga calme le jeu par des syncopes légères et ralenties, toujours dans la sensualité de timbres orientalistes bien retranscrits par la formation. Alla Tarentella maintient en conclusion une belle dynamique tout en montrant là encore la maîtrise de cette formation et la qualité à jouer parfaitement ensemble, malgré le changement de plusieurs membres depuis sa création. Ici la concurrence est moins rude, avec surtout les Prazak (Praga), plus difficile à trouver aujourd'hui que pour leur album référent des œuvres de Janáček.

Dernière pièce du disque et non des moindres, le Second Quatuor de Janáček est aussi la dernière du compositeur. Sa dynamique correspond bien au jeune quatuor français, cette œuvre d'extrême maturité possédant une fraîcheur hallucinante. L'Andante démarre avec cette sensation de frais pour se poser dans une belle douceur autour de 4'30''. L'Adagio présente plus d'accroche avec un très beau sostenuto autour de 2′ et déjà un beau jeu sur le grincement des cordes aux violons, retrouvé dans l'Allegro final. Attaqué avec un beau mouvement de balancier, le Moderato est peut-être parfois trop mécanique, mais là encore d'une rigueur indiscutable en plus de posséder une jolie légèreté, comme celle des sentiments du vieux compositeur, dont l'idée avait même été d'utiliser la viole d'amour ici à la place de l'alto, choix disponible dans une version assez radicale des Diotima. Comme en live récemment, le dernier mouvement est le plus personnel du , formation prometteuse à suivre lors de ces prochains enregistrements !

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