L'ensemble Les Harpies, spécialement fondé pour cet enregistrement à partir de musiciens du groupe Les Witches, propose autour de l'orgue Renaissance de Saint-Savin un voyage musical sur le thème de l'enfer et du paradis. Le profane et le sacré s'y trouvent ainsi largement représentés.
L'aventure commence avec la découverte d'un orgue situé à Saint-Savin dans les Hautes-Pyrénées, et considéré comme l'un des plus vieux de France : il est daté de 1557. Depuis sa construction, hélas, il a subi l'épreuve du temps, mais il a été ressuscité avec bonheur en 1996 par les facteurs d'orgue Alain Sals et Charles Henry. Il s'agit d'un modeste instrument de huit pieds en montre avec un seul clavier et une composition de type italien avec rangs de plein-jeu séparés. Une belle régale grave en roseau vient parfumer cocassement l'ensemble.
L'organiste Freddy Eichelberger coordonne et dirige l'ensemble Les Harpies dans un programme original s'appuyant sur des œuvres de la Renaissance souvent redistribuées avec des instruments adaptés : cornemuse, cistre, violon, et autres régales. À partir de thèmes souvent issus de musiques traditionnelles, danses et chansons, la musique se construit avec une part importante laissée à l'improvisation. C'est tout un monde d'images et d'évocations, de climats et d'ambiances tout à fait inédits qui nous est offert. On apprécie les grandes qualités rhétoriques d'Odile Édouard au violon baroque, et la maîtrise de Mickaël Cozien dans les pièces où la cornemuse dialogue étrangement avec l'orgue. Pierre Gallon rivalise de vigueur avec sa régale et celle de l'orgue. Quelques grandes pièces du répertoire Renaissance ponctuent ce programme : Ricercar de Christian Erbach, In nomine de John Bull. Autant de pièces sublimes, aussi savantes que charmeuses. Le CD se termine par une suite de danses envoûtantes de Gervaise et Attaingnant, très communicatives, au point qu'on voudrait les écouter en boucle, à l'infini.
Cerise sur le gâteau : un petit chœur réquisitionné pour la circonstance entonne un psaume huguenot accompagné à l'orgue, et copieusement paraphrasé en improvisations par Freddy Eichelberger, un maître en la matière. Comme le montre la décoration de l'orgue de Saint-Savin, faite de représentations allant du pieux au vulgaire, l'art de la Renaissance est hautement contrasté, monde en devenir et en recherche de toutes sortes d'émotions musicales. Ce disque en est une parfaite illustration, et partant, une fort belle réussite.