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Le Printemps des Arts de Monte-Carlo célèbre le piano avec magnificence

Comme chaque année, la programmation du se révèle d'une richesse et d'une imagination particulièrement séduisantes. Si l'exercice peut se révéler parfois inégal, il n'en demeure pas moins passionnant d'un bout à l'autre, comme l'a montré ce grand week-end dévolu au piano en majesté.

Pour le deuxième week-end du , le toujours imaginatif avait concocté un programme centré sur le piano, permettant de confronter artistes débutants, talents confirmés et vieilles gloires du clavier autour d'œuvres de siècles et d'esthétiques variées. Le jeudi 23 mars, le cadre sublime de la villa Ephrussi de Rothschild accueillait deux jeunes talents, et  ; si la sonate de Brahms, déséquilibrée par un piano trop puissant et un violon souvent incertain, ne marquait pas plus les esprits que le premier impromptu D935 de Schubert par le seul pianiste, au jeu assez pâle sinon scolaire, en revanche la rare sonate de Bernd Aloïs Zimermann se révélait un puissant chef d'œuvre bien adapté au jeu d'une violoniste familière de la musique du XXe siècle.

Le lendemain, après une savoureuse conférence sur les instruments de torture du piano (comprenez les appareillages inventées au XIXe siècle pour assouplir les doigts, qui coûtèrent sa carrière de soliste au pauvre Schumann), un double récital dans le merveilleux opéra Garnier de la principauté présentait d'abord le tchèque , technique impeccable et musicalité profonde, dans trois scherzos de Chopin splendidement articulés sans exclure des délicatesses de phrasés bouleversantes dans les trios. Chantant dans son arbre généalogique, le musicien livrait ensuite une angoissante Sonate 1 X 1905 de Janáček, chef d'œuvre d'appréhension et de tension, puis trois séduisantes Danses tchèques de Martinů où la fantaisie émerveillée du musicien découvrant le Paris des années folles se mêlait à sa nostalgie du pays natal. En deuxième partie, osait un programme encore plus aventureux. Après une sonate op. 10 n° 2 de Beethoven pleine d'énergie sinon même de nervosité, il proposait les Notations de Boulez, défi que peu d'interprètes osent relever, puis les « musiques nocturnes », troisième pièce de la suite En plein air de Bartók, au lyrisme suspendu poignant, avant trois des Miroirs de Ravel, absolue réussite de ce grand spécialiste de Debussy qu'est . En bis, l'ébouriffante étude de concert de Pierné valait un triomphe bien mérité à cette soirée pianistiquement grisante.

Le samedi enfin, si on oublie charitablement la conférence bien mal préparée et consacrée aux « siffleurs de concertos » (en fait la guerre du concerto au début du XXe siècle à Paris), le moment phare du week-end était la succession de quatre concertos pour piano par quatre pianistes successifs et l' sous deux baguettes différentes. L'ouverture par , accompagné avec précision par , incombait au très subtil concerto de Ligeti ; venait ensuite le somptueux n°4, « incantations », de Martinů, grand interprète de l'œuvre, dialoguait avec l'immense orchestre réuni pour la circonstance. À ce premier sommet succédait un brillant Dix-neuvième concerto de Mozart par , cette fois accompagné par , un de ses partenaires habituels au disque. Vif argent, digne des opéras italiens, ce Mozart enchanteur recevait un triomphe bien mérité. On attendait évidemment avec impatience l'« Empereur » de  ; hélas, le grand pianiste argentin n'a plus les doigts lui permettant tout simplement de maîtriser le texte : de la cadence initiale aux derniers accords, le texte de Beethoven fut maltraité, au point que l'orchestre, mis en permanence en danger, semblait sur le qui-vive, incapable de faire autrement que de tenter de suivre le soliste. Quelle tristesse d'entendre ainsi un grand artiste sous un jour aussi défavorable ! Oublions cette déception pour ne garder que l'exceptionnelle richesse de la programmation toujours exemplaire du Printemps des Arts.

Crédits photographiques : Jean-Efflam Bavouzet © Henry Fair ; © Dusan Martin

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