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Betroffenheit : la danse-théâtre de Crystal Pite

Retour inattendu de la chorégraphe à Paris avec Betroffenheit, une pièce de danse-théâtre conçue en collaboration avec pour Kidd Pivot et l', deux compagnies majeures du Canada. Attention, forte puissance émotionnelle !

Nous avions laissé à l'Opéra Garnier en septembre 2016 avec un extraordinaire The Season's Canon, qui avait dynamité la rentrée du Ballet de l'Opéra de Paris. C'est au Théâtre de la Colline que nous la retrouvons, dans le cadre de la programmation Hors les murs du Théâtre de la Ville. Rien d'étonnant à cela, puisqu'elle nous propose Betroffenheit, une pièce de théâtre conçue avec Jonathon Young pour deux compagnies canadiennes.

La pièce raconte les affres et les angoisses du rescapé d'un drame, dont nous ne comprendrons jamais tout à fait les circonstances. Les sursauts provoqués par le stress post-traumatique dont il souffre sont de l'ordre du cauchemar plutôt que de celui du rêve. La scène est d'abord hyperréaliste, rythmée par un texte quasi-hypnotique, un effet renforcé par l'usage des micros et des voix enregistrées. Angoissante, oppressante, la scène se transforme peu à peu en cabaret expressionniste accueillant un exubérant animateur de show, de danseuses brésiliennes à plumes ou un prestidigitateur. Un humour grinçant, contrepartie de l'horreur de la catastrophe vécue par le personnage théâtral.

Un seul acteur, lui-même, porte la partie textuelle du spectacle. Les autres interprètes (parfois doublés en play back) jouant une troupe de cabaret qui l'entraîne dans un spectacle qui doit absolument se poursuivre, illustrant l'adage de Broadway, « the show must go on ». Soulignons au passage la remarquable aisance des danseurs de l' dans tous les genres, de la salsa aux claquettes.

Cette aisance se retrouve prolongée, dans un style contemporain cette fois, dans la deuxième partie du spectacle. Plus chorégraphique, cette partie explore toutes les facettes de l'effroi, de la perte, de l'abattement, autant de sentiments qui avaient été esquissés théâtralement dans la première partie. Elles font écho au sentiment d'impuissance et de culpabilité qui imprègnent le personnage, victime du syndrome du survivant et prisonnier d'un regret éternel. Sur une scène fortement segmentée, plongée régulièrement dans le noir, en gestes saccadés et fondus, comme découpés par un effet stroboscopique, la chorégraphie fait inlassablement écho aux remords de celui qui n'a rien pu faire pour éviter le drame, ni pour aider ceux qui en avaient besoin. Une impression poignante…

Photos : © Michael Slobodian et WendyDPhotography

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