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Colin Roche et Jacopo Baboni Schilingi au Charbon

est un collectif d'artistes – compositeurs, interprètes, écrivains… –  bien décidé à promouvoir la création d'aujourd'hui mais dans des contextes et des situations de jeu nouveaux, et parfois très inattendus. Tel est la proposition de Pre-tensio où, douze heures durant, les compositeurs et Jacopo Baboni Schilingi tentent d'écrire une oeuvre pour flûte, sous l'oeil et l'attention du public, et selon des modalités fort singulières.

C'est dans un ancien café de bougnat portant encore l'inscription « Vins et Charbon » qu'a lieu la performance des deux créateurs désireux de mettre en scène, chacun à leur manière, le temps qui précède – pre-tensio – l'acte d'écrire. a investi « le bar », assis devant une grande page d'écriture sur laquelle il a soigneusement tracé ses portées (règle et encre de chine). On est convié à s'asseoir en face de lui avec un casque d'écoute à travers lequel s'entend son rythme cardiaque. Des capteurs, placés au niveau de l'organe sensible, sont en effet reliés à un dispositif enregistreur. Celui-ci va lui permettre de comptabiliser les battements de son cœur, en fluctuation constante, sous forme de « factures », lesquelles deviennent le support de la « partition de silence » écrite inlassablement par le compositeur, dans la plus grande concentration… jusqu'à ce que l'idée musicale jaillisse : une manière, lente et systématique, de penser la musique en écrivant « le silence de son cœur ».

Dans la salle attenante, équipée d'un dispositif d'écoute spatialisée, le Milanais Jacopo Baboni Schilingi écrit sur la peau, celle de Mehdi où les mêmes portées de cinq lignes ont été tirées (la qualité du feutre n'est pas précisée). Le corps a été « préparé » avec un démaquillant avant que ne s'amorce l'inscription qui n'admettra ni remord ni rature ! « Le corps est encore plus présent que l'esprit quand je pense la musique », nous dit le compositeur qui, depuis plusieurs années, s'interdit d'écrire sur papier – et encore moins sur ordinateur – cherchant à travers le contact intime et émotif du corps nu et de la peau à réinstaurer la dimension humaine, sensuelle et unique du geste créateur. Au fil des heures, la flûtiste Shao-we Chou est invitée à déchiffrer les fragments de l'oeuvre qui est en train de se faire, dans l'un ou l'autre « atelier du musicien ». La performance est interactive pour Baboni Schilingi dans la mesure où les positions du corps/partition – Mehdi a revêtu un boxer de « concert » –doivent faciliter la lecture de la flûtiste dont la prestation sonore est, à son tour, spatialisée et traitée en direct par le compositeur. Le public est amené à participer, à travers ses questions et sa propre implication d'interprète, pour peu qu'il ait apporté son instrument.

Si les oeuvres ne s'inscriront pas au catalogue des compositeurs, les performances n'en laisseront pas moins leurs traces, manuscrites pour , photographiques pour Jacopo Baboni Schilingi : des captures visuelles où l'écriture musicale s'efface à la faveur de la dimension esthétisante du projet.

Crédit photographique : © Michèle Tosi

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