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Retour de l’Enlèvement à la Scala

Pour les vingt ans de la disparition de , auteur de 30 mises en scène scaligères, le théâtre milanais ressort sa mise en scène légendaire de L'enlèvement au sérail. Présenté pour la première fois en 1965 au Festival de Salzbourg, le délicieux et pittoresque théâtre d'ombres fait son retour. Et tout comme en 1965, est à la baguette.

On le sait, le public milanais, fidèle à ses habitudes modérément conservatrices, apprécie les grands classiques. Le retour, sur le plateau de la Scala, de cette production de L'Enlèvement au sérail ne pouvait donc être que chaleureusement accueillie. Et pour cause ! Cette « turquerie », si appréciée par les esprits de l'époque de Mozart, est menée avec ironie et vivacité telle que l'aurait aimé le compositeur et telle qu'elle a su triompher auprès du public viennois à la fin du XVIIIe siècle. L'air où le gros Osmin chante la dive bouteille est drôle à souhait et décroche haut et fort les rires de la salle. Il faut avouer que la mise en scène du « théâtre dans le théâtre », reprise par Mattia Testi, dégage un charme fou avec ses costumes et ses décors d'époque. Grâce aux artifices du théâtre d'ombre, chacun des personnages, illuminé au moment de son solo, devient une charmante silhouette.

La direction riche et raffinée séduit d'emblée les spectateurs. Combinant à la fois énergie et légèreté, semble retrouver ici une deuxième jeunesse. Le chef d'orchestre combine les instruments les uns avec les autres dans une grande diversité de couleurs ; les cuivres ont toute leur puissance sans pour autant étouffer les cordes. Il en ressort un riche tableau sonore, rehaussé par la palette structurée de l'Orchestre de la Scala.

Et pourtant, malgré le charme de la mise en scène et le talent de l'orchestre et de son chef, on a du mal à déborder d'enthousiasme. Serait-ce la faute d'une distribution mitigée, dont les voix peinent à décoller ? Ainsi si , en Konstanze confiante et courageuse, chante son désespoir et sa nostalgie sans jamais dessouder ses registres, elle semble courir après les vocalises stratosphériques du rôle. Dans l'absolu, on l'aurait plutôt vue en Blondchen. Alerte et virtuose, la servante est interprétée par dont on apprécie le timbre clair et homogène, mais dont le chant manque de caractère. Mauro Peter en Belmonte et en Pedrillo font preuve de phrasés onctueux, mais la virtuosité leur fait quelque peu défaut. Les quatre voix principales sont trop proches les unes des autres et une certaine monotonie semble planer sur le sérail. Le chœur final, rondement mené et brillant à souhait, décroche des applaudissements soutenus. Mais malgré la couleur du cadre et le rythme de la direction, il règne sur le plateau comme un parfum de routine que la nostalgie du bon vieux temps ne parvient pas à totalement effacer.

Crédit photographique : Brescia/Amisano – Teatro alla Scala

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