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Andrew Tyson associe Scriabine et Ravel en miroir

Après un premier enregistrement remarqué des Préludes de Chopin, le jeune pianiste (ancien lauréat du concours Geza Anda) rapproche et , contemporains que tout semble pourtant opposer.

Dans le sillage de Liszt, les deux grands pianistes qu'étaient Ravel et Scriabine ont développé et renouvelé les possibilités de leur instrument, chacun à leur manière. Chez chacun d'eux, l'on retrouve ce souci de créer des harmonies nouvelles, ce foisonnement de notes, ces « combinaisons sonores proches de l'hallucination », qu'évoque le livret. Pourtant, si les Sonates de Scriabine expriment les tourments de l'âme, dans une tension mystique et prométhéenne, les Miroirs de Ravel offrent une musique sensible qui suggère des images d'une nature lumineuse, avec des touches locales ou hispaniques. Le choix de ce répertoire est intéressant, au-delà des difficultés techniques qu' surmonte pleinement, servi par une belle couleur du piano Bechstein. Pourtant, l'auditeur peine parfois à s'installer dans ces deux climats musicaux distincts.

propose une version réussie de la Troisième sonate de Scriabine, peut-être une des plus accessibles pour l'auditeur, par ses références encore très romantiques. Il déploie un jeu très lisible, détachant les plans sonores parfois enchevêtrés, comme dans l'Andante, et respectant la partition, notamment dans les changements de tempos et de nuances assez précisément notés. Il s'exprime avec une variété de toucher au service de belles intentions musicales, par exemple dans l'élan tout héroïque des premier et deuxième mouvements, comme dans les moments cantabile, même si l'on voudrait le difficile dernier mouvement Con fuoco encore plus violent. Cette interprétation, presque classique, profite moins à la dernière sonate, la Dixième, atonale et en un seul mouvement, paroxysme du chemin mystique, mais également musical du compositeur. Pour éblouir, cette musique semble appeler un peu plus de folie d'interprétation, que ce soit dans la reprise obsédante du thème initial ou dans le jaillissement des trilles.

La musique foisonnante de Ravel gagne en clarté avec Andrew Tyson, avec une articulation nette, une pédale justement dosée, que ce soit dans le volettement des papillons de nuit de Noctuelles, le chant profond des Oiseaux tristes, dont les différentes voix s'expriment avec un lyrisme limpide, les arpèges et les trilles qui évoquent la Barque sur l'océan, ou le ton crépusculaire de La Vallée des cloches. Pourtant, et malgré un sens du détail, il y a parfois un certain détachement dans l'interprétation, un manque de souffle, particulièrement dans Une barque sur l'océan ; de même le tempo rapide ne semble pas laisser de place au drame hispanisant qui se joue dans l'Alborada del Gracioso (Aubade du bouffon).

Ce deuxième disque, qui pourrait laisser plus de place à l'expression de la personnalité de son interprète, n'en demeure pas moins une réussite.

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