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Bach en son temps ou les dissertations harmonieuses des Combrailles

Créé autour de la construction d'un orgue neuf et audacieux dans l'église de Pontaumur voici une quinzaine d'années, le Festival Bach en Combrailles accueille depuis les meilleurs spécialistes du baroque, tournés vers le monde musical de cet immense musicien.

Pendant une semaine, le rythme des concerts bat son plein au rythme de quatre par jour, précédés en matinée par une rencontre avec les artistes intitulée « Café Bach ». Divers lieux historiques permettent la découverte de cette belle région auvergnate des Combrailles où se déroulent les différents concerts. Chaque journée se termine par un Nocturne mêlant musique et dialogue avec les musiciens.

L'orgue de Pontaumur mis à l'honneur par

Grâce à un pari audacieux, quelques passionnés menés en leur temps par Jean-Marc Thiallier eurent l'idée de doter l'église de Pontaumur d'un orgue baroque allemand, réplique de celui que connut dans sa jeunesse à Arnstadt. Un buffet rutilant, une composition de jeux à l'identique de l'original, quel beau rêve en marche pour illustrer la musique du Cantor dans les meilleurs conditions ! , titulaire de l'orgue de Saint-Étienne-du-Mont à Paris propose un grand récital Bach comprenant deux grands préludes et fugues, des chorals, une sonate en trio et la champêtre Pastorale, de quoi satisfaire un public nombreux, gourmand de ces sonorités retrouvées et de ces savoureuses compositions. Bien sûr la restitution à l'identique d'un orgue du passé n'est pas chose aisée, et retrouver les gestes des anciens facteurs d'orgue est une aventure parfois complexe. L'avenir permettra sans doute d'améliorer encore le son de cet orgue si prometteur, par quelques réglages de l'harmonie. Le soliste fait entendre l'instrument sous son meilleur jour par un choix très raffiné de sonorités aptes à traduire la savante polyphonie de Bach. Certains chorals transcrits d'après des cantates prennent du coup un ton très orchestral comme si la viole de gambe où la flûte s'invitaient tour à tour dans ce beau concert harmonique. Les jeux graves de l'orgue étant tous devant, placés en façade dans les tourelles latérales, la perception de la polyphonie est parfaite. On aura largement apprécié le jeu de , historiquement informé comme l'on dit, sans effet gratuit mais plutôt tourné vers cette rhétorique indispensable qui nous fait aimer pleinement le discours musical.
D'autres concerts d'orgue en ce même lieu sont confiés aux élèves de la classe d'Éric Lebrun, qui distillent au cours des jours avec talent les chorals de Leipzig de .

Une journée avec et ses amis à Saint-Hilaire-La-Croix

Autre ambiance dans le prieuré de l'église de Saint-Hilaire-La-Croix avec «  and friends » pour un programme original montrant à la fois l'univers musical qui a précédé et inspiré Bach, celui de ses contemporains et enfin sa propre musique. Ce style de concert véritablement pédagogique permet d'appréhender les principaux courants directeurs aboutissant au foisonnant XVIIe siècle, depuis le Magnificat de Senf suivi d'une hymne de Jean Titelouze, le grand polyphoniste français. Buxtehude, avec sa Missa alla brevis quasi inédite, se montre en guide incontournable ainsi que Charpentier avec un motet à Jésus. Telemann dans l'ombre de Bach paraît pourtant si inspiré également dans plusieurs motets. Le programme s'achève en apothéose avec le célébrissime motet Jesu meine freude composé par Bach pour un service funèbre en 1723. Les amis réunis autour de constituent un quintette vocal dirigé avec conviction et souplesse par , baryton. Jean-Luc Ho, lui, préside à l'accompagnement concertant depuis le clavier d'un orgue positif aux multiples ressources. L'acoustique remarquable du lieu permet à l'auditoire une perception quasi parfaite d'une polyphonie omniprésente, poussée dans ses derniers retranchements grâce au génie de Bach. Chaque chanteur, chaque chanteuse est soliste et membre du chœur tout à la fois : tâche redoutable dont chaque musicien s'est affranchi avec maîtrise et émotion.

L'après-midi du même jour, Jean-Luc Ho, désormais en résidence pour trois années au sein de ce festival, propose à quelques kilomètres un concert de clavecin à l'église de Lapeyrouse dont le thème était la mythique rencontre de Dresde entre et . Sur un magnifique instrument de style français d'après Goujon (1749) construit par Émile Jobin (1983), la confrontation des deux compositeurs, ratée alors, se concrétise ici avec la grande suite du premier ton de Marchand et la Partita n°4 de Bach. Jean-Luc Ho est tout aussi grand claveciniste qu'organiste et l'écoute de ce clavecin distingué sous ses doigts et dans une acoustique précise fut un enchantement.

La journée se termine avec une rencontre nocturne avec cet artiste, nous parlant de ses approches et de ses rencontres musicales, notamment avec Émile Jobin, facteur de clavecins.

Crédit photographique : © Agence Louise

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