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In memoriam Frédérick Martin

A la mémoire de Frédérick Martin qui nous a quittés le 19 avril 2016 à l'âge de 59 ans, ce CD monographique retrace le long compagnonnage (1999-2010) du compositeur avec le – Jean-Marie Zvellenreuther à la guitare, à la harpe et Florentino Calvo aux mandolines – que a honoré de bon nombre de commandes. Aussi attachantes qu'originales, les six œuvres de cet enregistrement, présentées dans une stricte chronologie, campent une manière singulière au sein d'un univers instrumental qui ne l'est pas moins.

Dans Honor, Gradus et Dignitas (1999) op.57, comme dans les pièces solistes Les bonnes pensées op.66, provoque le télescopage des mondes sonores (pop, rock, traditionnel, savant) alliant sonorités bruitées et finesse des textures souvent inscrites dans les pattern rythmiques du jazz et l'élan d'un geste quasi improvisé. Si La minute suspendue fait valoir l'espace intime de la mandole sous les doigts experts de Florentino Calvo, Kriss est un théâtre de sons animé par une mandoline incisive et presque impertinente.

Autre pièce de cet album, Dowland's Box est un work in progress s'originant dans la transcription pour harpe – superbe – d'une gaillarde du compositeur de la Renaissance anglaise. L'interpénétration des univers sonores opère avec les deux transcriptions/métamorphoses qui suivent, pour deux guitares d'abord et pour trio ensuite (mandoloncelle, guitare et harpe). L'élimination progressive des lettres du titre (Dowlan's box, Dowlan box… ) mesure la distance prise avec le modèle : brisures rythmiques, stylisation ornementale, variations de timbre très dépaysants.

Twisted Lullaby (2010) pour guitare est l'une des pièces les plus récentes, bien sonnante sous les doigts de Jean-Marc Zvellenreuther et sous-tendue par une énergie implacable qui propulse la trajectoire sonore.

Dans Scritta di Fausto (2004-2013), rend hommage au compositeur italien , l'âme soeur – ils avaient le rock en partage – trop tôt disparu. Mandoline, mandole et guitare forment ici un méta-instrument aux textures étranges rejoignant là encore la musique de tradition orale et son geste de rhapsode.

La même liberté d'écriture préside à la conception d'Ustvolst (2010) favorisant les variations de « toiles sonores » aux registres contrastés. Mandole et mandoloncelle (mandole sonnant dans la tessiture du violoncelle) plus moelleux, remplacent ici la mandoline dans cet hommage tout en douceur rendu à la compositrice russe Galina Ivanovna Ustvolskaya. Les sonorités délicates et le mouvement circulaire qu'animent les trois instruments très solidaires au départ et à la fin de l'oeuvre semblent émaner d'une kora.

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