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La magnifique somme schumanienne de Dana Ciocarlie

Connue pour ses affinités incontestables avec la musique de , la pianiste roumaine nous livre une véritable somme avec ces treize disques comprenant l'œuvre intégrale pour piano seul du compositeur, enregistrée au fil de quinze récitals donnés dans le  théâtre byzantin de la résidence de l'ambassadeur de Roumaine, anciennement hôtel de Béhague.

Longuement murie, cette nouvelle intégrale de l'œuvre pour piano de Schumann consacre la rencontre entre le romantisme intense et personnel du compositeur, et une musicienne particulièrement inspirée par un corpus musical auquel elle s'identifie de façon frappante. Au cours de quinze soirées données dans le fabuleux théâtre byzantin de l'hôtel de Béhague à Paris, la pianiste roumaine a joué l'intégralité de l'œuvre pour piano seul de Schumann, n'écartant, comme elle s'en explique elle-même, que les pièces (assez marginales) pour piano-pédalier. C'est le reflet de ces concerts qui paraît dans ce magnifique coffret. On sait que le piano occupe dans l'œuvre de Schumann une place essentielle ; les vingt-trois premiers opus du compositeur sont écrits pour le clavier seul. Ensuite, il se tourna essentiellement vers la musique de chambre, le lied, la symphonie et l'oratorio (ou l'opéra). Mais au moment de sombrer dans la folie et de disparaître, c'est encore vers le clavier que Schumann consacra ses derniers opus, déséquilibrés mais bouleversants. Quelle richesse et quelle profusion d'inspiration dans ces premières œuvres ! Les faire siennes dans leur ensemble, selon la démarche de , c'est pénétrer dans l'univers intime et poétique du musicien.

Le résultat est à la hauteur de l'ambition. Au delà de la maîtrise purement technique du clavier dans des pages dont la difficulté est d'autant plus grande qu'elle n'est pas toujours d'une virtuosité apparente, elle restitue le romantisme intense du compositeur, ses sautes d'humeur caractéristiques, son goût des miniatures plus que des grandes formes, des rêveries et divagations. Mais elle parvient aussi à structurer un discours souvent divaguant, notamment dans les trois sonates et la grande fantaisie, dans lesquelles Schumann se force à construire ses œuvres selon des canons reconnus. Comme toujours dans une intégrale de cette dimension, l'ensemble vaut mieux que la somme des parties. Nous entendons par là qu'on peut, dans la discographie de tel ou tel opus pris isolément, trouver quelques visionnaires qui dépassent Dana Ciocarlie (Rachmaninov, Horowitz, Pollini ou Brendel par exemple, mais il y en a d'autres dans les pages les plus enregistrées), mais que, les intégrales schumaniennes se comptant sur les doigts de la main, celle de Dana Ciocarlie, superbement présentée de surcroît, s'impose désormais comme le sommet de la discographie. Chapeau bas aurait dit le compositeur lui-même…

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